Review/2001/1
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Cinq éléments à la base de l’orientation d’un promoteur de la santé dans le contexte africain

David Houeto, Bénin


Hueto, David. Cinq éléments à la base de l'orientation d'un promoteur de la santé dans le contexte africain, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2004. URL:12/index.htm.

Jeune praticien en clinique médicale à Cotonou, au Bénin, j’ai été frappé par la fréquence trop grande des parents, essentiellement des mères, qui consultaient pour la fièvre de leurs enfants de moins de cinq ans. La période était toujours la même, mai à septembre de chaque année, et les symptômes pour lesquels les mères consultaient étaient également toujours les mêmes : convulsion fébrile accompagnée le plus souvent d’anémie sévère, le tout nécessitant une action urgente. Nombre de ces enfants furent perdus par manque de sang dans les différentes banques de sang du pays durant ces mois de grande demande. Je me suis donc finalement décidé à aller agir en amont plutôt que d’être un sapeur pompier qui ne fait que constater les dégâts. M’adressant à un aîné, fonctionnaire de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), il me regarda avec un long soupir et me fit comprendre que mon constat était juste et constituait une préoccupation mondiale. Il me laissa le rapport d’une étude qui venait d’être menée au Kenya par Mwenesi (1993). C’est le premier document qui m’a permis de comprendre que l’Afrique connaît pratiquement partout les mêmes réalités en ce qui concerne le paludisme. Ce fut là la première expérience qui m’incita à aller au-delà de la pratique médicale traditionnelle et qui allait m’entraîner peu à peu vers la promotion de la santé.

 Après un premier niveau de formation où j’ai eu l’occasion de me familiariser avec d’autres  enjeux allant au-delà des soins curatifs individuels, je me suis retourné vers les communautés à travers la gestion d’un projet de promotion de la santé. Là j’ai appris à donner un sens à la Charte d’Ottawa et à la déclaration de Jakarta. Cette expérience m’a permis de mettre le doigt sur mes besoins de formation pour réaliser mon objectif d’acteur en amont. Je suis donc actuellement aux études doctorales en Belgique, où j’ai pu ajouter à la liste des écrits qui ont retenu mon attention depuis mes débuts en promotion de la santé.

La culture et la santé

Mwenesi (1993) à travers une étude financée par l’OMS et intitulée « Mothers’ definition and treatment of childhood malaria on the Kenyan Coast » (Définition et traitement par les mères du paludisme de l’enfant sur la côte kenyane), a révélé certains aspects qui répondaient à une partie de mes interrogations. L’auteur a en effet montré que le retard de recours aux soins de la médecine moderne par les mères d’enfants fébriles s’expliquait, entre autres, par le lien que les mères ne faisaient pas entre la fièvre et le paludisme chez leurs enfants. Les parents en réalité ont une prompte réaction vis-à-vis de la fièvre de leurs enfants mais, faute de mal définir la maladie, la possibilité de mettre en œuvre le traitement est grandement diminuée et cela contribue à la situation que j’observais en clinique. Il devenait important pour moi alors d’aller dans la même direction que cet auteur et de creuser d’autres aspects qui pourraient aider à la mise en œuvre d’une politique d’intervention de lutte contre le premier tueur d’enfants dans mon pays. Il n’est plus un secret pour personne de nos jours que la lutte contre la maladie passe également par la prise en compte du contexte des victimes, en particulier de la manière dont elles envisagent les problèmes à travers leurs croyances culturelles. C’est ce qui a contribué au renforcement de ma décision à aller intervenir en amont de la maladie et, jusque là, je ne savais pas le nom de la filière que j’allais embrasser. C’est un professeur de méthodologie, à qui j’ai exposé ma préoccupation, qui m’a orienté vers la promotion de la santé, suite à mon désir d’action en amont de la maladie à travers les comportements.

Planifier les interventions AVEC les communautés

Rapidement j’appris que la santé est la résultante de plusieurs facteurs et qu’à travers les interventions dans le but de l’amélioration de l’état de santé des communautés, ceci ne doit pas être perdu de vue. Renaud et Gomez (1998) dans « Planifier pour mieux agir » m’ont donné les tous premiers outils de prise en compte de cette réalité à travers les interventions communautaires. Les auteurs proposent des outils pratiques à l’usage du professionnel de terrain à partir de l’ouvrage de Green et Kreuter (1999) « Health promotion planning : An educational and ecological approach ». Je trouvai dans cet ouvrage une forme pratique d’impliquer les communautés dans mes propositions de projets d’amélioration de leur santé, ce que j’ai pu développer avec des communautés dans les départements du Mono et du Couffo au sud Bénin (Houéto et Kassa, 2000) Il s’agit d’une adaptation du langage scientifique en vue d’une appropriation par les hommes et femmes de terrain. Mes premiers pas dans les communautés ont été guidés par l’approche proposée par ces auteurs et ont permis le renforcement de ma conviction de la nécessité de collaborer avec les communautés pour l’élaboration des actions de santé. J’ai d’ailleurs contribué à la divulgation de cet outil de planification des interventions communautaires auprès des professionnels de la santé de la sous-région africaine francophone. Il s’agit d’aspects qui sont encore d’actualité et que les promoteurs de la santé en milieu africain pourraient trouver utiles.

Rendre les individus et les communautés capables de gérer leur propre santé

Dans la même veine, un document qui m’a beaucoup marqué est la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. L’OMS (1986) stipule clairement à la page 2 de cette charte que la promotion de la santé est un « processus qui confère aux populations le moyen d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci ». Cette charte reconnaît ainsi la capacité des communautés victimes de problèmes de santé de se trouver un chemin pour s’en sortir. Je me suis trouvé devant un nombre de questionnements qui à ce jour persistent. En effet, pourquoi malgré cette déclaration les pays dans la région africaine continuent-ils d’appliquer aux communautés des programmes issus uniquement de leur imagination et sans implication de ces dernières ? Dans le but de me convaincre que la collaboration avec les communautés dans le sens de cette charte n’est jamais peine perdue, j’ai adopté tout récemment les principes de cette Charte dans la gestion d’un projet d’envergure nationale au Bénin, « Action communautaire pour l’éducation des filles _ ACEF » qui a donné de bons résultats à la grande satisfaction des communautés bénéficiaires (WL/USAID, 2003). Mes réflexions vont actuellement dans ce sens de chercher à comprendre les raisons pour lesquelles, dans le milieu africain (que je connais), les interventions continuent de revêtir un caractère de saupoudrage, ne tenant aucunement compte de ce que les populations qui, connaissant ces situations de détresse, peuvent contribuer énormément à la recherche de solutions. Tout porte à croire que le concept de promotion de la santé n’est pas encore entré dans les mœurs du système de santé dans les pays africains. Il va falloir que les professionnels de la santé (surtout africains) se réapproprient ce concept qui semble être une opportunité pour le développement d’initiatives novatrices dans le domaine de la santé, voire du développement en général.

L’apprentissage favorise la participation

L’impression que j’ai eue en lisant la « Déclaration de Jakarta sur la promotion de la santé au XXIe siècle » faite par l’OMS (1997) est comme si l’Organisation Mondiale de la Santé s’était elle-même rendu compte que le concept de promotion de la santé, une décennie après la Charte d’Ottawa, n’était pas encore entré dans les mœurs et a donc procédé à l’ouverture d’une nouvelle piste pour sa mise en application. Il est dit dans cette déclaration (à la page 3) que « l’apprentissage favorise la participation ». C’est à mon avis, un appel aux systèmes de santé à faire participer les communautés à travers un processus d’apprentissage. Il s’agit là pour moi d’un aspect important auquel je crois devoir m’accrocher pour développer les nouvelles initiatives d’intervention que j’aurai avec les communautés. Il me semble que tout promoteur de la santé devrait s’approprier cette déclaration afin de mener des interventions susceptibles de connaître réussite et durabilité dans les communautés.

Une remise en cause des politiques d’intervention en santé en Afrique

J’ai été ravi de lire l’ouvrage de Dujardin (2003) « Politiques de santé et attentes des patients : vers un nouveau dialogue ». Il pose le diagnostic de la situation sanitaire en Afrique qu’il connaît bien. Avec une analyse montrant les raisons pour lesquelles les sciences médicales sont restées jusque là essentiellement distantes des individus et communautés objets de leurs évolutions, Dujardin propose de revenir vers les communautés en vue d’une politique sanitaire qui sauve vraiment les patients de la maladie. Selon lui, les politiques « top down » d’intervention en santé dans les communautés ont très peu de chance de réussir comme l’ont si bien démontré les dernières décennies. Je crois que le succès des interventions communautaires et des politiques sanitaires nationales passe par l’appel de cet auteur, qui vient s’ajouter à ceux de tant d’autres. Les promoteurs de la santé et surtout ceux d’Afrique ont, à mon avis, un grand intérêt à s’examiner à la lumière de cet appel pour l’amélioration des conditions de vie sur notre cher continent pour lequel il reste encore tant à faire.

Conclusion

Toute action visant à l’amélioration de l’état de santé des communautés devra être menée en composant avec ces dernières. C’est dans le but de faire mienne cette vision que la promotion de la santé est devenue mon alliée privilégiée dans le combat que je veux mener pour la santé sur mon coin de planète. Je compte me consacrer à sa connaissance afin d’apporter mon petit grain de sel à sa mise en oeuvre sur le continent noir. Plus que n’importe où ailleurs, l’Afrique a besoin de tous ses bras valides pour son relèvement et le concept de promotion de la santé me semble un moyen pour la participation de tous à ce défi.

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References

  1. Dujardin, B. (2003). Politiques de santé et attentes des patients : vers un nouveau dialogue. Paris : Editions Charles Léopold Mayer. Livre disponible gratuitement en format PDF à l'adresse suivante: WWW
  2. Green, L. W. & Kreuter, M. W. (1999) (3rd edition). Health promotion planning : An educational and ecological approach. Mountain View: Mayfield Publishing Cy. WWW
  3.  Houéto, D. & Kassa, C. (2000). La communication sociale en santé et nutrition avec les 65 communautés du « Plan Bénin » dans les départements du Mono et du Couffo. Cotonou, Plan Bénin.
  4.  Mwenesi, H. A. (1993). Mothers’ definition and treatment of childhood malaria on the Kenyan Coast. Kenyan Medical Research Institute, Medical Research Centre, Nairobi. WWW
  5.  OMS (Organisation Mondiale de la Santé). (1986) Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. Première conférence internationale pour la promotion de la santé, Ottawa, Ontario, Canada, 21 novembre 1986. WWW
  6.  OMS. (1997). Déclaration de Jakarta sur la promotion de la santé au XXIe siècle. Quatrième conférence internationale sur la promotion de la santé, 21-25 juillet 1997, Jakarta, Indonésie. WWW
  7.  Renaud, L., Gomez, Z. M. (1998). Planifier pour mieux agir. Montréal: REFIPS, collection partage. WWW
  8.  World Learning & USAID. (2003). Action Communautaire pour l’Éducation des Filles (ACEF) : Rapport du Projet. Cotonou. WWW & WWW


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