Review/2001/1
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Les cinq ressources favorites d’une psychologue passionnée d’éducation pour la santé et de promotion de la santé

By Christine Ferron, Directrice adjointe des affaires scientifiques, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, France


Ferron, Christine, Les cinq ressources favorites d’une psychologue passionnée d’éducation pour la santé et de promotion de la santé, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2004. URL:24/index.htm.

De l’importance de la psychologie

Formée à la psychologie clinique, puis à la santé publique, à l’Université de Nancy, j’ai travaillé dix ans comme chercheur, comme formatrice et comme intervenante de terrain dans le champ de la santé des adolescents et des jeunes, en France et à l’étranger : Québec, Etats-Unis, Suisse. Arrivée en 1997 au Comité français d’éducation pour la santé comme chargée du développement de la formation et de la recherche en éducation pour la santé, et chargée des relations avec l’Education Nationale, j’ai accepté à partir de 2001 des missions d’encadrement, d’abord dans le champ du développement de l’éducation pour la santé, ensuite à la Direction des affaires scientifiques de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, qui s’était substitué en 2002 au CFES.

La psychologie clinique, qui est ma première discipline d’appartenance, m’a donné une grille de lecture et de compréhension du monde et de mes semblables qui influencera toujours ma façon de penser et de pratiquer l’éducation pour la santé et la promotion de la santé. Ma conception de l’approche du public dans le cadre de ces deux champs est profondément marquée par les concepts psychanalytiques tels que l’influence de l’inconscient et de l’histoire personnelle des sujets sur leurs comportements, la mise en œuvre de mécanismes de défense destinés à résister aux changements de comportements imposés par l’injonction ou par la peur, l’impact des mécanismes identificatoires et du transfert dans la relation éducative, la nécessité de prendre en compte l’environnement humain des personnes dans les interventions, etc. Ainsi, mon approche de l’éducation pour la santé des adolescents a été très influencée par ce qu’ont pu en dire des psychologues ou des psychiatres qui étaient aussi des thérapeutes. S’attachant à définir la demande des adolescents en matière de santé, Norbert Bon souligne par exemple (1989, p 215) « qu’elle est des plus ambivalentes et qu’elle vise tout autant à dénoncer, et par là même à fonder, l’incompréhension naturelle de l’adulte qu’à rechercher réellement à qui parler », et qu’« à vouloir faire sauter le verrou de l’incommunicabilité des générations, on s’expose à en révéler la fonction de défense contre le rapprochement incestueux ». Voilà qui incite à une approche prudente et raisonnée des questions de santé auprès d’un public adolescent…

Mes cinq ressources

Parmi les pédiatres qui m’ont initiée à une approche globale de la santé des adolescents, il en est un qui m’a en plus montré la voie d’un engagement professionnel motivé dans le champ de la promotion de la santé : il s’agit de Jean-Pierre Deschamps, dont je citerai le chapitre « Prendre soin des adolescents » (1997), paru dans un ouvrage collectif. Dans ce chapitre, il insiste sur trois points concernant la prévention à l’adolescence : (1) tout acte de santé est préventif (2) ce que les professionnels définissent comme les problèmes de santé des adolescents sont fréquemment l’expression de comportements réactionnels à un mal–être général, voire des comportements d’adaptation (3) la prévention et la santé constituent souvent des justifications élaborées de contrôle social. Sa réflexion éthique m’a aussi profondément inspirée : « La mise en cause des comportements individuels de gens dont les conditions de vie sont plus imposées par les caractéristiques de l’environnement que par leur vouloir propre, amène à un blâme de la victime. On blâme les gens d’être les victimes d’un certain nombre de conditions. On les blâme de fumer parce qu’ils sont stressés, mais blâme-t-on les raisons pour lesquelles des milliers de personnes sont mises au chômage et vont répondre à cette situation par un stress, vis-à-vis duquel elles adopteront des stratégies d’adaptation qui seront considérées comme des comportements de prise de risques ? Où est le véritable risque ? Qui a pris le risque ? Est-ce qu’il s’agissait des individus ou est-ce qu’il s’agissait de la collectivité qui accepte qu’une partie grandissante de ses membres soit considérée comme inutile ? » (Deschamps, 1997)[1]. Selon Jean-Pierre Deschamps,  l’éthique de la promotion de la santé ne peut naître que de la participation de chacun à un débat démocratique. 

Entrée dans la promotion de la santé par une discipline privilégiant la relation duelle, il m’a fallu apprendre à en appréhender les enjeux collectifs. C’est au travers de l’ouvrage de Brigitte Sandrin-Berthon (pédagogue et médecin), Apprendre la santé à l’école (1997), que j’ai compris ce qu’était l’éducation pour la santé et pourquoi j’allais m’y sentir « chez moi » ! J’aime tout dans ce livre, la clarté de son propos, la fluidité de son style, l’humour qui affleure… Aux débutants, je recommande les chapitres 1, 2, 3 et 9, particulièrement éclairants sur les fondements méthodologiques et les questions éthiques de l’éducation pour la santé.

Les enjeux sociaux et culturels de l’éducation pour la santé me sont clairement apparus dans les écrits de l’anthropologue David Le Breton, notamment Passions du risque (1991). La mise en danger de soi-même au travers de l’adoption de comportements dangereux y prend un sens symbolique qui fait que l’on ne pose plus jamais le même regard sur les conduites définies de manière lapidaire par les professionnels de la prévention comme étant uniquement « à risque ».

Le concept de résilience, introduit en France par Boris Cyrulnik au travers de son ouvrage Un merveilleux malheur (1999), a donné un étayage théorique à une conviction largement partagée par les éducateurs pour la santé, à savoir qu’il est possible de soutenir en chacun(e) la capacité à développer ses potentialités et à avoir une vie réussie, quel que soit le sens qu’il ou elle donne à ce mot : « la résilience constitue un processus naturel où ce que nous sommes à un moment donné doit obligatoirement se tricoter avec ses milieux écologiques, affectifs et verbaux. Qu’un seul milieu défaille et tout s’effondrera. Qu’un seul point d’appui soit offert et la construction reprendra » (Cyrulnik, 1999, p.16).

Réussir sa vie, ou plutôt « vivre une vie possible pour soi »[2], prend un sens particulier dans le cas de personnes atteintes d’un handicap ou d’une maladie chronique. L’éducation du patient, en tant qu’« acte d’accompagnement de l’autre pris dans toutes ses dimensions », à mille lieux d’un dressage ou d’un conditionnement, me paraît magnifiquement décrite et expliquée par Michel Develay (2000) dans un chapitre intitulé « A propos de l’éducation du patient », paru dans un ouvrage collectif. Avec ce texte qui engage le praticien à utiliser une approche sociale participative, le lien est fait avec les méthodologies d’action communautaire « qui replacent l’autonomisation du sujet au sein d’actions collectives dans lesquelles la dynamique du traitement provient de la rencontre entre personnes atteintes de la même affection, conduisant éventuellement à des prises de décision collectives en vue d’actions en direction des pouvoirs publics » (Dévelay 2000, p.192). C’est toute la cohérence et la pertinence de l’approche de promotion de la santé qui se trouvent ici ré-affirmées.

Enfin, je voudrais encore citer, parmi les ressources les plus précieuses de ma vie professionnelle, mes collègues. Dans tous mes lieux de travail, mais en particulier au Comité français d’éducation pour la santé, c’est dans leur capacité à échanger et à débattre, dans la conviction avec laquelle ils défendent les valeurs de tolérance et de solidarité, dans leur humour aussi ! que j’ai puisé la force de me revendiquer, jour après jour, professionnelle de la promotion de la santé.


[1] extrait du texte (non publié) d’une communication de Jean-Pierre Deschamps lors d’un colloque intitulé « Les enjeux éthiques de la prévention » qui s’est déroulé le 20 mars 1997 au Centre de médecine préventive de Nancy.

[2] expressions de Philippe Lecorps, enseignant à l’Ecole nationale de santé publique de Rennes.

REFERENCES

Bon, N.  Adolescents : des mots sur la santé. In A. d’Houtaud, M. Field, R. Gueguen (eds): Les représentations de la santé. Editions INSERM, vol 178, 1989, pp 205-218. WWW

Cyrulnik, B. Un merveilleux malheur. Paris : Editions Odile Jacob, 1999. WWW

Deschamps, J.P. « Prendre soin » des adolescents. In P.A. Michaud et P. Alvin (dirs.).: La santé des adolescents : approches, soins, prévention. Lausanne : Editions Payot / Paris : Doin éditeurs / Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 1997, pp 94-99. WWW

Develay, M. A propos de l’éducation du patient. In : Sandrin-Berthon B. (Ed) L’éducation du patient au secours de la médecine. Paris : Presses Universitaires de France, 2000, pp 185-198. WWW

Le Breton, D. Passions du risque. Paris : Editions Métailié, 1991. WWW

Sandrin-Berthon, B. Apprendre la santé à l’école. Issy-Les-Moulineaux : ESF éditeur, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques, 1997. WWW


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