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Promotion de la santé : les générations montantes Michel ONeill, Vice-président aux communications, UIPES et rédacteur en chef, RHPEO et Sophie Dupéré, assistante à la rédaction, RHPEO O'Neill, Michel et Sophie Dupéré, Promotion de la santé : les générations montantes, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2005. URL:11/index.htm. Générations et leadership en promotion de la santé Tous les « trekkies » le savent, ces fanatiques de la série culte Américaine Star Trek connue partout sur la planète : les figures emblématiques des Kirk, Scott et autres Spock de la série originale ont dû finalement céder leur place aux nouvelles figures des Picard (un Français!!!) et consort de la série The Next Generation, et finalement à la génération suivante de la série Deep Space Nine où le principal héros est une héroïne, une femme ayant finalement accédé au poste suprême de capitaine du vaisseau spatial Enterprise. Plusieurs événements au cours de 2004 nous ont nous aussi confronté-es au renouvellement du leadership dans notre champ dexpertise, tant à léchelle planétaire que sur les scènes nationales ou locales. Le premier est le cours dété européen en Promotion de la santé auquel lune dentre nous a participé (Dupéré, 2004); pour la trentaine détudiant-es provenant dun large éventail de pays qui ont suivi ce cours, sous lencadrement dune quinzaine de tuteurs, ce fut une expérience académique intergénérationnelle exceptionnelle. En deuxième lieu, un débat fort intéressant dans les Reviews on Health Promotion and Education Online (RHPEO) dont nous assurons la gestion quotidienne a quant à lui fait ressortir lenjeu générationnel autour de la conception même du champ de la promotion de la santé (Sharrock et Idiema, 2004 ; Green, 2004 ; Rootman, 2004 ; Ritchie, 2004). Troisièmement, lors de la Seconde conférence internationale sur les services locaux et régionaux de santé (Conférence, 2004) à Québec, où plusieurs membres du CA et de la direction de lUIPES étaient présents, on a débattu informellement et avec beaucoup de passion des enjeux et dilemmes posés par le fait que la nouvelle génération de promoteurs de la santé, surtout composée de « jeunes femmes brillantes » se voyait selon certaines bloquer laccès au leadership de la profession par des « hommes dun âge certain saccrochant à leur pouvoir et à leur poste ». Finalement, limportance centrale dans notre domaine des personnes, du « capital humain », des valeurs qui nous caractérisent et, en conséquence, de la manière de les transmettre nous a aussi frappé-es lors de la 18ième conférence mondiale de lUnion tenue en avril dernier à Melbourne et dans plusieurs textes récents de RHPEO (Kasmel, 2004, Restrepo, 2004 ; Sparks, 2004). Cet ensemble déléments est apparu suffisamment significatif pour quil semble utile dentamer à lUnion un débat et une réflexion plus systématiques sur ces enjeux. Le présent éditorial est publié simultanément dans la série Notes de la Rédaction de RHPEO, où les membres lUnion sont invités à y réagir et comme éditorial dans Promotion et Éducation; il se veut le coup denvoi de cette réflexion. Qui seront les capitaines Kirk de la promotion de la santé de demain et que fait la génération actuellement aux commandes pour favoriser leur émergence et leur accès aux positions de pouvoir ? La notion de générations Dans plusieurs pays du Nord, la définition opératoire de la notion de génération a longtemps été: 25 ans, à savoir le temps moyen approximatif pour quune personne devienne parent de son premier enfant. Aujourdhui dans ces mêmes pays, attendu la diminution dramatique du nombre denfants et le fait que les femmes donnent naissance à leur premier plus tard, on est probablement plus près des 30 ans que des 25 en moyenne. Peu importe la précision de ces chiffres; ce que nous voulons souligner ici cest que la notion de génération évolue selon le temps et encore bien davantage selon les cultures. Dans beaucoup de pays du Sud par exemple, le respect des anciens ; la hiérarchisation entre les sexes, les groupes, les familles et les individus et laccès ritualisé au statut dadulte à un âge bien plus jeune que dans les sociétés du Nord ne sont que quelques-unes des caractéristiques qui y induisent des enjeux fort différents lorsque lon parle de générations. Et partout, les écarts de valeurs entre générations sont un élément important. Dans le titre et tout au long de cet éditorial, nous utilisons donc générations au pluriel, afin de bien signaler ces diversités. Après combien dannées avons-nous affaire à une nouvelle génération qui aspirera tout naturellement à prendre sa place, autant en promotion de la santé que dans la société en général? Quelles sont les différences en termes de valeurs et dapproches de travail qui risquent de créer des incompréhensions et des conflits entre les générations ? Est-ce important de mieux comprendre ces différences ? Genre et générations La place différentielle des femmes et des hommes, en promotion de la santé comme ailleurs, est un enjeu qui vient ajouter un élément supplémentaire dans la réflexion sur les générations. En effet, dans toutes les sociétés, la répartition sexuée du travail rémunéré hors domicile vient colorer la manière dont se pose laccès des nouvelles générations au travail et au pouvoir, notamment dans notre domaine. Dans beaucoup de sociétés aujourdhui, notamment dans la plupart des pays du Sud, le travail rémunéré plus formel est surtout réservé aux hommes, les femmes assurant lessentiel du travail domestique et du travail dans les économies parallèles des petits métiers. Cependant, depuis le milieu du XXe siècle et dans les pays du Nord en particulier, la présence de plus en plus abondante des femmes sur le marché du travail rémunéré vient considérablement modifier la donne. Malgré une tendance à une féminisation encore plus marquée de lunivers de la promotion de la santé qui était déjà presque partout fortement féminin, il y a fort à parier que dans la majorité des pays elle ne saccompagne pas dun accès à un rythme égal aux postes de pouvoir. Le fait que les femmes interrompent de manière beaucoup plus systématique que les hommes leur parcours professionnel pour raison de grossesse(s) a aussi un impact sur lenjeu générationnel : à cause de ces interruptions, elles ont souvent tendance à poursuivre leur carrière avec moins dintensité que leurs collègues masculins et à âge égal, à y être moins avancées. Lanalyse fine de ces aspects dépasse largement notre propos ici mais il est évident que lenjeu du genre entre en interaction avec celui de lâge pour complexifier encore davantage la question des générations en promotion de la santé. Le renouvellement du leadership en promotion de la santé Lenjeu du renouvellement ne concerne bien entendu pas que la promotion de la santé, ni même les pratiques professionnelles : les gérontocraties politiques dans plusieurs pays en témoignent abondamment de même que la situation du pape Jean-Paul II La question est toutefois rendue encore plus ardue du fait que notre champ demeure somme toute très jeune et que son développement est très inégal selon les régions du globe et les pays, les pays du Nord de culture anglo-saxonne occupant à ce titre une position dominante. Ce nest somme toute que vers le milieu du XXe siècle que les pratiques professionnelles et scientifiques plus systématiques de promotion et déducation pour la santé ont commencé à se construire, tel quen rend notamment bien compte louvrage qui a célébré les 50 ans dexistence de notre Union (Modolo et Mamon, 2001). Qui plus est, la promotion de la santé semble depuis ses débuts (Banerji, 1986) et encore aujourdhui, pour beaucoup de personnes des pays du Sud, une marotte de pays du Nord mal adaptée aux contextes épidémiologiques des problèmes qui les confrontent. Les discours en promotion de la santé des pionniers des pays du Nord et des pays du Sud se rejoignent-ils ? Sont-ils également diffusés ? Le fait que les jeunes générations des pays du Sud sont souvent formées dans les pays du Nord ne vient-il pas brouiller les cartes, tant à cause du phénomène de lexode des cerveaux que de celui de lacculturation à dautres valeurs et manières de faire ? À notre avis, on devrait encourager un développement plus culturellement sensible du leadership en promotion de la santé, notamment pour les pays du Sud, et viser à une meilleure représentativité de la diversité sur la scène internationale. Certains parmi nos tout premiers pionniers sont encore en vie ou viennent à peine de décéder et, dans les pays où le champ sest professionnalisé plus récemment, ils ou elles peuvent fort bien être encore en place ! Comment alors ces gens, dont la vie a été souvent dédiée sans compter à développer un champ qui dans leur milieu est souvent associé à leur personne, peuvent-ils passer la main ? Est-il utopique de penser quon peut assurer des transitions harmonieuses afin déviter, pour reprendre lexpression anglophone, quon ne jette le bébé avec leau du bain ? Lenjeu de la transmission intergénérationnelle des connaissances nous semble crucial, car nous en priver, comme des processus mal planifiés de renouvellement de la main duvre le causent souvent, cest mettre de côté des savoirs uniques. Avons-nous pleinement conscience des multiples savoirs des dinosaures (ONeill, 1993) de notre profession ? Ceux-ci sont-ils prêts à le partager, sachant quil est souvent la base sur laquelle leur pouvoir est assis? Pensent-ils pouvoir apprendre de ces échanges ? Le mentorat étant un mécanisme de transfert des connaissances qui a fait ses preuves à bien des endroits, devrions-nous y investir systématiquement ? Pourrions-nous apprendre davantage dautres domaines tels ceux des organisations apprenantes, les learning organizations si à la mode dans le management daujourdhui (Réseau Cefrio, 2004 ) ? Bien des questions restent donc sans réponses, tant sur la pertinence dassurer une place au soleil aux jeunes générations de promoteurs de la santé que sur la manière de le faire. Cest à contribuer à ce débat que nous invitons les membres de lUnion de tous les âges, en particulier peut-être les plus jeunes en âge ou en carrière, en se rendant au < www.rhpeo.org > dans la zone 2005 des articles où la manière de procéder est expliquée, en lien avec la version électronique de cet éditorial. Nous attendons vos réactions !
Références Banerji, D. (1986) Health Promotion: A Personal View From the South. Health Promotion International, 1, 81-82. WWW Conférence (2004) <http://www.colloquequebec2004.com> Dupéré, Sophie (2004) My best resource of 2003: an Health Promotion course out of the ordinary, Reviews of Health Promotion and Education Online, <RHP&EO> Green, Lawrence W., (2004) My reaction to Sharrock and Iedema, Reviews of Health Promotion and Education Online,. RHP&EO. Kasmel, A. (2004.)What are my five favorite resources as an Estonian health promoter? Reviews of Health Promotion and Education Online, RHP&EO Modolo, M. A. and Mamon, J. (2001) A long way to health promotion through IUHPE conferences [1951-2001], University of Perugia, Inter university Experimental Center for Health Education, Perugia. WWW O'Neill, M. (1993) Où sont passés les dinosaures ? Promotion & Education, 0 : 4. WWW Réseau Cefrio (2004). Transferts intergénérationels des savoirs : Comment survivre au départ massif de vos employés séniors. Réseau Cefrio, Volume 5, no 1 : juin 2004. (http://www.cefrio.qc.ca/pdf/Reseau-CEFRIO_juin_2004.pdf). Restrepo, H. E. (2004) Recursos favoritos para mi trabajo en promocion de la salud en las Americas, Reviews of Health Promotion and Education Online,. <RHP&EO> Ritchie, Jan,(2004) Rejoinder to Sharrock and Iedema, Reviews of Health Promotion and Education Online. <RHP&EO> Rootman, Irving, (2004) My Reaction to Sharrock and Iedema, Reviews of Health Promotion and Education Online, <RHP&EO> Sharrock, Peta and Idema, Rick (2004), Ideology, Philosophy, Modernity and Health Promotion: Discourse analysis of eight reviews from the Reviews of Health Promotion and Education Online, Reviews of Health Promotion and Education Online, RHP&EO Sparks, M. (2004) One Australian's Key Health Promotion Resources, Reviews of Health Promotion and Education Online. <RHP&EO>. | |||
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