Review/2001/1
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La Charte de Bangkok aura-t-elle autant d’impact que celle d’Ottawa ?

Michel O’Neill, Faculté des Sciences infirmières, Université Laval, Québec, Canada


O'Neill, Michel, La Charte de Bangkok aura-t-elle autant d’impact que celle d’Ottawa ?, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2005. URL:2/index.htm.

Le sort en est jeté : le 11 août 2005, la Charte de Bangkok sera proclamée en Thaïlande lors de la 6è conférence internationale en promotion de la santé parrainée par l’OMS. Quel qu’en soit le texte final, et c’est à mon sens ce qui se dégage déjà des versions préliminaires qui circulent, cette Charte se situera dans le droit fil des grands engagements de ces fins de conférences : valeurs, grands principes, suggestions nobles et généreuses mais peu aisées à mettre en œuvre par des pays dont les gouvernements ont de moins en moins de liberté d’action, dans cette ère de primauté des transnationales. Il peut difficilement en être autrement, attendu la nature même de l’OMS.

Pourquoi la Charte d’Ottawa a-t-elle eu autant d’impact, alors que les prises de positions finales des quatre autres conférences internationales de l’OMS sont loin d’avoir eu le même retentissement ? Parce que son contenu était particulièrement convaincant ? Parce qu’à la différence des autres conférences, il s’agissait d’une Charte alors qu’à Adélaïde c’étaient des Recommandations ou à Sundsvall, Djakarta et Mexico, des Déclarations (« ministérielles » dans le dernier cas) ? Le fait que ce soit à nouveau une Charte à Bangkok est-il garant de son succès ?

Je propose ici d’expliquer le succès de la Charte d’Ottawa et le peu d’audience des autres Déclarations  depuis non tant par leur contenu ni par la manière dont elles sont désignées (Charte ou pas) mais bien par les circonstances historiques et politiques dans lesquelles elles ont été proclamées. Si cette lecture est exacte, elle peut d’ores et déjà nous fournir d’intéressantes indications sur les possibilités de celle Bangkok. 

Alors en quoi les circonstances de proclamation de la Charte d’Ottawa étaient-elles si particulières ? D’abord l’aspect nouveauté : cette Charte était la première du genre, proclamée dans la première de ces grandes conférences internationales ; il ne faut pas sous-estimer cet aspect comme l’illustre aussi le fameux rapport Lalonde de 1974, premier du genre suivi presque immédiatement par des rapports similaires aux USA et dans la plupart des pays industrialisés mais ayant eu infiniment moins de retentissement international. Second phénomène d’importance : la conférence d’Ottawa était l’aboutissement de presque dix ans de travaux, réflexions et échanges offrant dans la foulée de La santé pour tous de 1977 et de la conférence sur les Soins de santé primaires d’Alma Ata de 1978 la première réorientation majeure proposée par l’OMS depuis sa création en 1948. Il faut aussi rappeler en troisième lieu qu’en 1986 l’OMS, comme toutes les organisations du système de l’ONU, avait encore une crédibilité et un leadership que presque vingt ans de « nouvel ordre mondial » et de néo-libéralisme économique planétaire ont fortement mis à mal. L’autorité morale de l’OMS d’aujourd’hui dans le domaine de la santé, quelque nouvelle Charte qu’elle produise, est-elle celle d’hier ? Finalement, le leadership dans la production de la Charte d’Ottawa est venu de pays du Nord, à savoir le bureau européen de l’OMS en interaction suivie avec le gouvernement fédéral canadien ; il a bénéficié de l’ardeur pionnière des Ilona Kickbusch, Ron Draper et autres intellectuels et fonctionnaires visionnaires, en réseau serré et en positions de pouvoir tout de même significatives. Bien que le leadership macroéconomique international ait incontestablement migré de l’Europe et de l’Amérique du Nord vers l’Asie du Sud-est au cours des derniers vingt ans, la proclamation de la Charte de Bangkok en août prochain bénéficiera-t-elle du même positionnement dans l’économie politique mondiale que celle d’Ottawa en 1986 ?

Seul le temps saura répondre à ces questions. Il me semblait néanmoins important de les soulever afin de mettre en évidence qu’au delà du contenu et du titre de la Charte de Bangkok, les éléments qui expliqueront son impact ou son absence d’impact  au cours des prochaines années se situent probablement bien ailleurs. 

Note : une première version de ce texte est parue dans le forum électronique de l’INPES sur la charte de Bangkok début février 2005.

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