Review/2001/1
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Synthèse du forum francophone  sur la préparation de la charte de Bangkok

Pierre Arwidson, directeur des affaires scientifiques, INPES, France


Arwidson, Pierre, Synthèse du forum francophone  sur la préparation de la charte de Bangkok, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2005. URL:7/index.htm.

Installation du forum

Catherine Le Galès-Camus[1] et le Desmond O’Byrne[2] de l’OMS ont proposé à l’INPES d’organiser le débat au sein de la francophonie sur le projet de la charte de Bangkok. L’INPES a donc ouvert un forum électronique sur son site le 1 février. Ce forum devait initialement être arrêté le 11 février ; il a finalement été prolongé jusqu’à la réunion de Kobé, et est encore en fonction jusqu’à la conférence de Bangkok qui se tiendra du 7 au 11 août prochain. La deuxième version de la charte de Bangkok a été ajoutée sur le site dès que reçue ainsi que les liens vers le site officiel de préparation de la conférence. La première et la deuxième version de la charte de Bangkok ont été traduites de façon libre avec une présentation en deux colonnes, versions anglaise et française en regard.

Le forum n’est pas ouvert (pas de lien en page d’accueil du site INPES) et la modération est de type a posteriori (pas de filtrage des contributions mais possibilité de supprimer une contribution déplacée).

La publicité pour le forum a été faite par un mailing circulaire d’environ 5000 adresses. Les destinataires ont reçu le texte de la charte de Bangkok en pièce attachée et, dans le corps du message, le lien pour accéder à la page d’accueil du forum http://www.inpes.sante.fr/Forum_eps/indexForum.asp?page=login.asp ainsi qu’un mot de passe : global.

Les listes d’adresses qui ont servi à faire connaître le site comprenaient

  • les francophones du fichier de l’UIPES,
  • le REFIPS (Réseau francophone international pour la promotion de la santé ; lien sur la page www.refips.org et envoi aux 15 correspondants pour 1500 membres)
  • la Fédération nationale d’éducation pour la santé
  • la société française de santé publique qui comprend des correspondants étrangers
  • quelques adresses repérées de francophones intéressés en Afrique ou en Asie (Vietnam, Laos)

Entre le 1er et le 20 février, le forum a reçu 35 contributions, dont la synthèse ci-bas rend compte.[3]Les contributions continuent à arriver, le forum demeurant en fonction jusqu’au mois d’août 2005. Le bouche à oreille a fonctionné car une partie des contributeurs n’était pas dans le mailing initial.

Même si les réponses ne sont pas très nombreuses, de grandes voies françaises, belges et québécoises de la promotion de la santé se sont exprimées. C’est l’école belge qui a le plus contribué. Il y a eu deux contributions d’Afrique noire, malheureusement pas du Maghreb ou d’Asie francophone. Des associations humanitaires, d’éducation populaire et altermondialistes ont participé ce qui n’était pas prévu initialement.

1.   Synthèse du forum

1.1. Critiques du forum

La mise en ligne du forum a été faite de façon confidentielle. L’accès au forum était particulièrement compliqué. La durée d’ouverture du forum est trop courte laissant soupçonner une certaine manipulation ou un processus démocratique très limité. Il manque l’exposé des motifs qui ont conduit à rédiger cette nouvelle charte.

Les remarques les plus fréquentes faites sur ce forum concernent la mauvaise qualité de la traduction française. Les versions anglaise et française du paragraphe 6 sont discordantes[4]. La version française est toujours plus faible que la version anglaise. Il y a quelques erreurs de traduction et d’anglais.

Pour l’un des contributeurs, les problèmes de traduction ne sont que le reflet d’un problème culturel plus profond. Les concepts anglosaxons ne sont pas la plupart du temps transposables : il faut rédiger une charte francophone en partant d’un substrat culturel francophone.

1.2. Comment passer d’Ottawa à Bangkok

De nombreuses contributions ont questionné l’opportunité d’une nouvelle charte. Pourquoi remettre en cause la charte d’Ottawa ? Pourquoi une nouvelle charte alors que la charte d’Ottawa n’a pas encore été appliquée ? Qu’en est-il de l’évaluation de la charte d’Ottawa ?

Pourquoi une nouvelle Charte à l’initiative de l’OMS alors qu’il était prévu de la revisiter à l’occasion de la conférence mondiale de l’UIPES de Vancouver ?

La charte d’Ottawa a eu une audience importante et il est possible que ce se soit en raison de circonstances historiques et politiques favorables. Les déclarations subséquentes n’ont eu que peu d’impact. Qu’en sera-t-il de la Charte de Bangkok ?

Pour plusieurs, l’évaluation de la charte d’Ottawa n’est pas connue, présentée. Pour d’autres, la charte d’Ottawa a eu très peu d’impact sur la politique de santé publique française ou mondiale.

Pourquoi les objectifs de la santé pour tous en l’an 2000 n’ont-ils pas été atteints ? Il faut faire le bilan de la non-application de la Charte d’Ottawa tout d’abord.

La référence faite à la charte d’Ottawa est insuffisante : les préalables à la santé ne sont pas repris. Il faudrait reprendre le plan de la charte d’Ottawa et élaborer dessus. Le souci de traiter les nouveaux défis ne doit pas conduire à effacer le passé et la mémoire du travail fait pendant 20 ans.

Une permanence est notée entre les deux textes : l’absence du terme prévention. La promotion de la santé (centrée sur la personne et visant le bien-être) est fondamentalement différente de la prévention (centrée sur le risque et visant l'absence de maladie).

1.3. Communautés et participation

Il manque une référence aux communautés et à la santé communautaire dans la charte de Bangkok alors qu’elle était présente dans celle d’Ottawa.

Est-il éthique de vouloir faire participer les populations les plus vulnérables alors qu’elles ne bénéficient même pas des préalables nécessaires à la santé (toit, nourriture, etc.) ?

Dans cette version les populations n’apparaissent pas suffisamment clairement comme actrices du changement. Le processus de consultation concernant cette Charte montre que l’approche est plus technocratique que participative. Quand les populations sont-elles impliquées dans la révision de cette proposition ?

1.4. Rôle de l’OMS et des organisations internationales

Le monde a beaucoup changé depuis 1986 : globalisation, influence grandissante du néolibéralisme. Mais on peut également observer une diminution de l’autorité morale des grandes institutions internationales comme l’ONU ou l’OMS.

L’OMS ne devrait-elle pas être plus influente sur les politiques des pays ? Ne devrait-elle pas influencer les décisions du forum de Davos et participer au forum de Porto Alegre.

Comment faire pour que le texte soit débattu au sein des assemblées nationales afin d’être appliqué réellement (comme la convention-cadre de lutte antitabac de l’OMS[5] et dans le processus de déclinaison nationale des objectifs de développements du millénaire[6])

Il serait souhaitable que l’Organisation mondiale du commerce ait, sinon obligation à prendre en considération ce texte, au moins connaissance de son existence.

1.5. Mise en oeuvre

La charte de Bangkok énonce des principes généraux facilement acceptés : les droits de l’homme, le respect de la diversité, le souci d’agir sur les déterminants de santé…justice sociale, équité et implication collectives aux actions locales, nationales et internationales,…la promotion de la santé au cœur des gouvernements. Mais en pratique il ne se passe rien. La santé n’est peut-être pas le bon moyen pour motiver les responsables des politiques socio-économiques qui influent sur les déterminants de santé. Les interlocuteurs de l’OMS ne devraient pas être les ministres de la santé mais ceux qui font les politiques et ceux qui les subissent.

Il faut inscrire des lois qui augmentent la justice sociale et donc la santé.

1.6. Equité ou égalité

Il faut être très attentif à la différence entre équité et justice sociale et égalité. Des actions faites dans un esprit de justice et d’équité sociales peuvent conduire à des inégalités sociales de santé. Or ce sont ces dernières qui comptent in fine.

Il manque dans la charte de Bangkok une référence aux personnes handicapées et aux personnes les plus vulnérables. La charte devrait indiquer que les personnes handicapées soient au maximum maintenues dans la vie normale et non pas dans des lieux spécialisés.

1.7. Secteur privé et soins dans les pays du Sud

Ce projet de Charte est-il le signe d’un virage vers le libéralisme économique de l’OMS ? La référence au marché, au rôle des entreprises en est-il le signe ?

Le plus actif promoteur de la santé est l’industrie pharmaceutique qui agit avec une politique de marketing agressif vis-à-vis des médecins et du grand public. Cette politique conduit une augmentation des dépenses de santé et crée des besoins nouveaux de consommation dans ces domaines (ex Prozac, Ritaline).

L’industrie pharmaceutique fait des profits, les pays du sud n’ont pas suffisamment accès aux médicaments. Plus généralement, la mauvaise qualité et la cherté des soins dans les pays du sud sont des problèmes majeurs.

1.8. Education pour la santé et nouvelles technologies de l’information

Deux contributions soulignent que la charte insiste d’une part sur l’impact potentiel des nouvelles technologies mais fait totalement abstraction de l’éducation pour la santé a été totalement oubliée. Pourquoi ? C’était un des piliers de la charte d’Ottawa.


[1] Directrice générale adjointe de l’OMS pour les maladies non transmissibles et la santé mentale

[2] Division de la promotion de la santé, de la surveillance, de la prévention et de la gestion des maladies non transmissibles de l’OMS

[3] Le detail des contributions synthétisées ici  peut être  consulté au http://www.inpes.sante.fr/Forum_eps/indexForum.asp?page=login.asp, mot de passe: global.

[4] Il y avait effectivement une erreur de copier coller dans la première version proposée. Deux parties face à face n’étaient pas la traduction l’une de l’autre, et les vraies traductions croisées manquaient par erreur. La version 1 actuellement en ligne a corrigé cette erreur.

[6] http://www.developmentgoals.org

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