Review/2001/1
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Le «message de Montréal» : la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé est encore utile pour la pratique de la santé publique d’aujourd’hui ! 1

By Michel O’Neill, Sophie Dupéré, Evelyne Pedneault, Kadija Perreault, Mathieu Forster, Nancy Roberge, Pascal Parent et Robert Perreault


O'Neill, Michel, Dupéré Sophie, et als., Le «message de Montréal» : la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé est encore utile pour la pratique de la santé publique d’aujourd’hui !, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2006. URL:6/index.htm.

Introduction

Ce texte constitue le premier, à l’intérieur d’une sous-série de la série Ottawa 1986 –Vancouver 2007 : devrait-on réviser la Charte d’Ottawa ?, permettant aux participant-es  de continuer à prendre la parole sur l’ensemble des enjeux qui ont été soulevés lors d’un symposium tenu le 25 octobre 2006, dans le cadre des 10es Journées annuelles de santé publique du Québec (JASP, 2006). Ce symposium regroupait au-delà de1200 participant-es provenant du Québec, du reste du Canada et d’une douzaine d’autres pays et posait la question : la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé est-elle encore utile pour la pratique de la santé publique d’aujourd’hui? À la fin de la journée, lorsque le vote final sur cette question a été pris auprès des centaines de personnes encore présentes, le «message de Montréal» était clair : à plus de 70 %, la réponse était oui ! Le but du présent texte est d’explorer de façon un peu plus détaillée la signification de ce message, notamment afin d’alimenter la réflexion en prévision de la conférence de Vancouver en juin 2007 http://iuhpeconference.org.

Trois autres textes sont prévus pour introduire cette sous-série: un décrivant les processus particuliers qui ont guidé la planification et la réalisation de la journée ; un approfondissant les grands thèmes qui ont émergé tout au long de la journée ; et, finalement, un texte portant sur le travail de création et de performance théâtrale qui a fait partie intégrante de la journée. Par la suite, celles des contributions soumises par les participant-es à la journée qui auront été acceptées par un comité de pairs mis en place spécialement pour la sous-série seront mises en ligne au fur et à mesure de leur disponibilité, jusqu’au 1er mai, de manière à participer aux travaux préalables à la conférence de Vancouver.

L’intention de la journée : faire réfléchir les participants-es et les inviter à prendre parole

Le symposium sur la Charte d’Ottawa a été conçu par un comité scientifique d’une douzaine de personnes provenant de divers horizons (voir JASP, 2006, pour les détails) sous la responsabilité conjointe de M. O’Neill et S. Dupéré, à partir des consignes générales des JASP pour la réalisation de leurs symposiums de formation continue. Il s’est déroulé d’abord en grande plénière, en s’attardant au passé (depuis 1986), au présent et au futur de la santé publique, puis en cinq sous plénières qui se sont penchées sur les stratégies de la Charte. Les participant-es se sont ensuite répartis en 20 ateliers concomitants, abordant diverses formes de pratiques, pour enfin se réunir à nouveau en plénière de conclusion. Sous la forme d’un «Droit de parole», en interaction avec la salle, cette plénière a permis de confronter les propos des participants-es, véhiculés par la troupe de théâtre «Mise au jeu» (N. Roberge et P. Parent), à ceux de neuf « grands témoins» provenant de milieux très diversifiés, le tout se terminant par un vote final. 

Conçue principalement par deux membres du comité scientifique (S. Dupéré et E. Pedneault), une démarche sophistiquée impliquant une trentaine d’étudiants-es bénévoles a été déployée afin d’alimenter «Mise au jeu» et l’animateur du « Droit de parole » (R. Perreault). Les points de vue des participants-es ont été recueillis par des mécanismes tels que des vox pop, une prise de note systématique dans chacune des activités, une murale et des photographies, puis synthétisés par deux  «grands rapporteurs» (M. Forster et K. Perreault). Un petit déjeuner avec des auteur-es d’ouvrages récents de même qu’une centaine de communications affichées et une exposition intitulée «Objet : pauvreté» fournissaient aussi matière à réflexion.

Les principaux enjeux ayant émergé au cours de la journée

Parmi les enjeux recueillis grâce aux processus décrits ci-dessus, deux nous semblent importants à souligner ici.

La Charte d’Ottawa : utile, utilisable, utilisée ?

Si la vaste majorité des personnes présentes au symposium a jugé la Charte d’Ottawa encore utile aujourd’hui, il convient de s’interroger sur la signification de cette utilité. Les participants-es ont fourni une multitude de réponses à cet effet, laissant à première vue croire que chacun s’approprie le contenu de la Charte à sa façon. Des constantes se retrouvent toutefois dans les propos recueillis. Pour plusieurs, la Charte d’Ottawa constitue un document de base en promotion de la santé ou en santé publique, lequel servirait de guide à la recherche, à l’intervention ou à la formation. La Charte a ainsi été désignée par d’hétéroclites appellations : cadre de référence; philosophie; regroupement d’idées, d’orientations, de directions; grandes lignes; vision; manifeste; voire même… bible! Quelques personnes seulement ont explicitement décrit la Charte d’Ottawa comme outil d’intervention directement utilisable, celle-ci étant donc davantage perçue comme un instrument conceptuel ou théorique. Plusieurs ont d’ailleurs mentionné ne pas s’en servir dans leur travail quotidien.

La Charte, dont l’utilité conceptuelle semblait incontestable pour les participants-es, souffrirait ainsi d’un certain manque d’application. Les raisons évoquées pour expliquer ce manque résideraient dans une difficulté à traduire concrètement la Charte dans la pratique, ainsi que dans une faible volonté politique, à tous les niveaux, de la mettre en œuvre. Ces enjeux ont été évoqués notamment lors de la plénière d’ouverture de la journée : aux enthousiastes années qui ont suivi la promulgation de la Charte en 1986 ont succédé, selon les conférenciers, des temps bien plus moroses. Aujourd’hui, son application serait-elle majoritairement confinée au développement d’occasionnels projets pilotes plutôt que d’inspirer ou d’influencer véritablement les politiques publiques? La Charte ne pourrait-elle pas, par exemple, constituer un rempart qui protégerait la société contre la mise en place de politiques inappropriées et contre des décisions gouvernementales mal avisées, davantage issues de considérations électorales? L’esprit de la Charte s’opposerait ainsi au soudain désengagement du Canada vis-à-vis du Protocole de Kyoto, exemple soulevé au courant de la journée comme étant un effet direct de l’accession au pouvoir à Ottawa d’un parti néolibéral.

La Charte d’Ottawa toujours à jour?

Par ailleurs, la Charte d’Ottawa est-elle encore actuelle, malgré l’ampleur des changements observés durant les deux dernières décennies en ce qui a trait, par exemple, aux relations internationales, aux conditions environnementales et à la santé mondiale? Plusieurs des participants-es à la journée ont souligné que la Charte constituait toujours un document à jour, d’où son utilité perçue. Cependant, la nécessité de tenir compte des enjeux liés à la mondialisation et le manque de reconnaissance des besoins des populations, notamment dans les pays en développement, sont parmi les arguments défendus par certain-es qui pensaient que la Charte mérite d’être révisée.

Le modèle proposé par la Charte n’aurait donc pas encore atteint son plein potentiel social et politique, son impact réel se faisant toujours attendre. Du haut de ses 20 ans, elle ne semble néanmoins nullement faire figure de fossile théorique desséché par le soleil de paradigmes plus récents ou plus innovateurs.

Conclusion: le « message de Montréal », un feu de paille ?

Contrairement à beaucoup des discussions qui ont eu cours autour de la Charte de Bangkok, et qui laissaient souvent entrevoir une certaine désuétude de la Charte d’Ottawa (RHPEO, 2005, 2006; Van Steenberghe et St-Amand, 2006), les participants-es au symposium de Montréal semblent donc y voir encore une utilité certaine quoique peu facile à mettre en pratique. Au cours des jours qui ont suivi le symposium d’ailleurs, dans un colloque sur l’exclusion sociale tenu à Québec et dans l’allocution du ministre québécois de la Santé et des Services sociaux prononcée à Ste-Adèle pour souligner les vingt ans du Réseau québécois des Villes en villages en santé, la Charte d’Ottawa a été explicitement évoquée. Ces évocations sont-elles simplement conjoncturelles, ou reflètent-elles une robustesse réelle de la Charte et sa capacité à avoir formulé d’une manière particulièrement efficace des enjeux encore non résolus après 20 ans qui demeurent encore au cœur des préoccupations de la santé publique d’aujourd’hui ? C’est ce que la conférence de Vancouver continuera à explorer, en juin 2007.



1 Une version légèrement modifiée de ce texte paraîtra début 2007 dans le numéro spécial de la revue Promotion & Éducation publié en préparation de la 19è conférence mondiale de l’UIPES.

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References 

JASP (2006) ; Programme des 10es Journées annuelles de santé publique, Montréal, URL: http://www.inspq.qc.ca/jasp/programme/2006/default.asp?A=2&Lg=f

RHPEO (2005, 2006); Série «Ottawa 1986-Vancouver 2007: faut-il changer la Charte d’Ottawa?», Reviews of Health Promotion and Health Education Online, URL: http://www.rhpeo.org>.

Van Steenberghe, É. et St-Amand, D. (dirs.) (2006); La charte de Bangkok ? Ancrage pour de meilleures pratiques en promotion de la santé? Montréal, Réseau francophone international pour la promotion de la santé (RÉFIPS), 94 p. URL: http://refips.org/files/ameriques/Communiqu%E9_publication_charte%20de%20Bangkok.pdf (présentation du livre seulement)


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