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De Montréal à Vancouver : le point de vue de la relève Sherri L. Bisset, Treena Delormier, Carmelle Goldberg, S. Lory Hovsepian, Pascale Mantoura, Jean-François Pelletier, Mylène Riva et Mathieu Roy[1] Bisset, Sheril L. et al, De Montréal à Vancouver : le point de vue de la relève, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:19/index.htm. Dans le cadre des 10es Journées annuelles de santé publique (JASP), un groupe détudiants au programme de doctorat en santé publique à lUniversité de Montréal sest porté bénévole lors de la journée consacrée à la Charte dOttawa. Suite à cette journée thématique, nous, les étudiants, nous sommes rencontrés une fois par semaine pendant huit semaines afin de débattre et de discuter des lignes directrices et des réflexions principales ayant émergé de cette journée.
Linfluence réciproque entre théorie et pratique nest-elle pas inhérente à la promotion de la santé? La multidisciplinarité qui caractérise la promotion de la santé affecte-t-elle notre légitimité et notre crédibilité face à dautres disciplines plus solidement ancrées, ou constitue-t-elle toujours une force à cultiver? Ces questionnements, ainsi que dautres, ont été largement débattus lors de la journée. Ils ont également suscité plusieurs discussions enflammées au sein de notre groupe. Le présent commentaire représente le fruit dun exercice de réflexion collectif quant à notre positionnement en tant que chercheurs-étudiants face à ces questionnements et débats. Une typologie qui a mis le feu aux poudres Nos discussions ont trouvé écho dans la distinction entre « travailler à promouvoir la santé » et « faire de la promotion de la santé » proposée par ONeill et Stirling (2006), dans le livre « Promotion de la santé au Canada et au Québec, perspectives critiques » lancé lors de cette journée des JASP. Selon les auteurs, travailler à promouvoir la santé renvoie au discours sur la place de la santé dans les sociétés, au discours de la nouvelle santé publique en regard de ce qui produit et restaure la santé dans les sociétés modernes. Dautre part, faire de la promotion de la santé réfère au champ spécialisé de lintervention qui vise le changement planifié des comportements et des environnements relatifs à la santé, à travers un ensemble de stratégies individuelles et environnementales. Ainsi, nous nous sommes questionnés sur la capacité de cette dichotomie à caractériser lensemble de nos activités de recherche et de pratique en promotion de la santé, activités qui se situent souvent aux carrefours de diverses disciplines et à lintersection de la théorie et de la pratique. Le dilemme de la multidisciplinarité Loption promotion de la santé du programme de doctorat en santé publique de lUniversité de Montréal offre une formation émanant d'un pluralisme disciplinaire et dapproches. Ce programme se situe à la jonction de trois univers de questions : 1) le développement théorique de modèles de changement tant au niveau individuel quau niveau des environnements; 2) le développement des modèles et des théories de l'intervention en promotion de la santé; et 3) lévaluation de ces interventions. Dans cet univers de formation, les étudiants doctoraux et stagiaires postdoctoraux proviennent de plusieurs domaines : sociologie, anthropologie, sciences politiques, géographie, nutrition, ergothérapie, et psychologie, pour nen nommer que quelques-uns. Étant donné la multidisciplinarité qui est caractéristique de notre programme, nous intégrons connaissances et méthodes provenant de différentes disciplines pour aborder la vaste gamme de déterminants de la santé. Il ressort de cette multidisciplinarité quun même objet de recherche peut être abordé selon des perspectives théoriques et méthodologiques différentes, parfois divergentes, ce qui donne souvent lieu à des débats riches et dynamiques. En effet, tout comme il peut être très utile de corroborer des données qualitatives avec des données de nature quantitatives et inversement, cest souvent de la combinaison des théories et des méthodes quémerge une recherche intéressante et originale. Dailleurs, l'absence de contours disciplinaires clairs en promotion de la santé complexifie l'appréhension du terrain parce qu'elle offre le potentiel de recourir à plusieurs disciplines pour guider l'élaboration d'un cadre théorique. Les difficultés engendrées par cette situation sont, d'une part, dobliger chacun de nous à approfondir des domaines nouveaux afin de maîtriser ou de s'approprier des théories issues d'autres domaines et d'autre part, de bien saisir nos contextes d'intervention afin de pouvoir adapter ces modèles multi-théoriques ou intégrateurs à des réalités pratiques complexes. Il découle de tout ceci la nécessité détablir un langage commun traducteur de cette multidisciplinarité. Malgré ces difficultés, il nous semble que lintérêt de la multidisciplinarité reste denrichir le substrat théorique utile à la promotion de la santé de manière à réitérer et à mettre en pratique ses valeurs et principes. Ceux-ci (le respect de la vie en santé, la bienfaisance, le bien commun, la justice sociale, lautonomisation, la solidarité, et la participation; Massé, 2003) sont intégrés comme fondements de nos recherches et de notre pratique. Cest sur cette base commune que nous configurons nos approches en alignant nos connaissances et nos expertises à des problématiques de santé variées. Labsence dassise disciplinaire en promotion de la santé peut être perçue comme une faiblesse par certains. Nous sommes quant à nous d'avis que l'enrichissement théorique ainsi que les multiples adaptations et la vision globale qu'apporte la multidisciplinarité en promotion de la santé nous permettent plutôt de renforcer et de faire évoluer le champ. Théorie et pratique : un constant dialogue Nos activités de recherche et de pratique en promotion de la santé relèvent dune autre caractéristique qui nest pas, selon nous, assez mise en valeur par la dichotomie entre faire de la promotion de la santé et travailler en promotion de la santé. Il sagit de la récursivité entre théorie et pratique. En effet, la nature de notre travail requiert larticulation des fondements théoriques aux contextes et savoirs locaux à luvre dans nos milieux de pratique. Par exemple, une des approches à travers laquelle le processus de dialogue et de communication entre théorie et pratique se concrétise et se négocie est la recherche participative (Green et al., 1995). La particularité de cette approche est dinfluencer de différentes manières lobjet de la recherche, son processus, lapplication des connaissances qui en émergent, ainsi que le rôle et la responsabilité des acteurs impliqués. Celle-ci soulève des enjeux quant à la nature du partenariat et aux relations de pouvoir qui en découlent. Aussi, travailler en contexte participatif et partenarial requiert de constants ajustements et une attention continue. À titre dexemple, certains dentre nous conduisent des projets de recherche évaluative dans des milieux particuliers, vivent lexpérience concrète de linfluence des processus de négociation et doivent en conséquence composer avec des influences externes. Cette négociation débute dès lors que certains acteurs du milieu doivent défendre leur position sur ce qui peut, ou non, constituer lobjet détude. Un autre exemple concerne lappropriation et le transfert des connaissances et expériences de recherche qui relèvent dun autre niveau de négociation, où les connaissances qui émanent de la recherche doivent dabord être partagées et approuvées par un comité consultatif externe au processus de recherche avant dêtre diffusées plus largement. Plutôt que de dissocier théorie et pratique, certaines des activités en promotion de la santé requièrent la réconciliation de deux identités : celle du chercheur objectif isolé qui prend une distance par rapport à son objet détude à celle de lintervenant, qui simplique dans son milieu afin de contribuer à amener un changement positif sur divers déterminants de la santé. De la sorte, le chercheur se doit de renoncer à une objectivité « pure » sil accepte dêtre réflexivement impliqué dans le milieu quil étudie et qui le change; en même temps, ce milieu est modifié par la présence du chercheur et par le processus de recherche. Pour ces raisons, la dissociation entre théorie et pratique est difficilement concevable dans le contexte de plusieurs de nos activités de recherche et de pratique. Selon nous, la relation récursive entre théorie et pratique fait partie intégrante à la fois des éléments travailler en promotion de la santé et faire de la promotion de la santé, et cest la combinaison des connaissances produites par chacun de ces éléments qui permet, entre autres choses, de faire avancer le champ de la promotion de la santé. Une discussion à poursuivre Ce commentaire a voulu illustrer quelques-uns des enjeux tels quils sont vécus et compris par des étudiants au programme de doctorat et au post-doctorat en promotion de la santé à l'Université de Montréal. Ces enjeux représentent les influences possibles et les conséquences associées à la multidisciplinarité caractérisant notre champ dapplication, ainsi que la place des interrelations et du dialogue entre la théorie et la pratique en promotion de la santé. Ces dernières dimensions correspondant par ailleurs pour nous à la compréhension que nous avons fait de la dichotomie « travailler à promouvoir la santé » et « faire de la promotion de la santé », telle que véhiculée dans ONeill et Stirling (2006). Selon nous, cest à travers un dialogue entre les différentes disciplines et grâce à une ouverture aux allers-retours entre les mondes de la recherche et de la pratique quavancera le domaine de la promotion de la santé. Et nous, en tant que futurs acteurs dans ce domaine, nous devons nous assurer de pouvoir assumer ce rôle ainsi que les responsabilités qui lui sont rattachées. Ainsi, nous tenons à développer et à maintenir un dialogue récursif entre ces dimensions de façon à assurer une pratique autant réflexive que multidisciplinaire. Cest sur ces réflexions que nous espérons poursuivre nos discussions lors de la 19e Conférence mondiale de l'Union internationale pour la promotion et l'éducation pour la santé qui se tiendra à Vancouver en juin 2007. [1] La contribution à ce commentaire est égale pour tous à titre de co-auteurs-es principaux, présentés ici en ordre alphabétique. Leurs coordonnées sont les suivantes : Sherri.l.bisset@umontreal.ca; treena@treena.ca; carmelle.goldberg@umontreal.ca; sarine.lory.hovsepian@umontreal.ca; pascale.mantoura@umontreal.ca; jean-francois.pelletier.1@umontreal.ca; mylene.riva@umontreal.ca; mathieu.roy.3@umontreal.ca
Références Massé, R. (2003). Normes et valeurs dans une éthique appliquée en santé publique. In R. Massé, Éthique et santé publique. Enjeux, valeurs et normativité. (pp.43-75). Québec : Presses de lUniversité Laval. URL: http://www.pulaval.com/catalogue/ethique-sante-publique-enjeux-valeurs-normativite-3990.html ONeill, M., & Stirling, A. (2006). Travailler à promouvoir la santé ou travailler en promotion de la santé? In M. ONeill, S. Dupéré, A. Pederson & I. Rootman (Eds.), Promotion de la santé au Canada et au Québec. Perspectives critiques. (pp. 42-61). Québec : Presses de lUniversité Laval. URL: http://www.pulaval.com/catalogue/promotion-sante-canada-quebec-perspectives-critiques-8936.html Green, L., George, A., Daniel, M., Frankish, J., Herbert, C., Bowie, W., et al. (1995). Participatory Research in Health Promotion. Royal Society of Canada, Ottawa. 0-920064-55-8. | |
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