Review/2001/1
RHP&EO is the electronic journal of the
International Union for Health Promotion and Education

Home ] [ IUHPE ] Our Mission ] Editorial Board ] [ Contributors ] Papers ] [ IJHP Papers ]

L’utilisation des politiques publiques pour promouvoir la santé : Quelques réflexions sur l’exemple de la planification du parc olympique 2012 à Londres.

Sarah Curtis, Professeure invitée, Université de Montréal, soutenue par le programme AnÉIS (Analyse et Évaluation des Interventions en Santé) et Professeure titulaire de Health and Risk, Durham University, UK


Curtis, Sarah, L’utilisation des politiques publiques pour promouvoir la santé : Quelques réflexions sur l’exemple de la planification du parc olympique 2012 à Londres., Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:20/index.htm.

Le thème de la sous-plénière où je suis intervenue, dans le cadre du symposium des JASP La Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé et son utilité pour la pratique de la santé publique d’aujourd’hui, était  l’élaboration de politiques favorables à la santé, et, plus spécifiquement,  l’utilisation des politiques publiques pour promouvoir la santé. La question à laquelle on m’a demandé de tenter de répondre est:  « Qu’avons-nous appris depuis 20 ans? ».

II n’est pas possible dans le cadre de cette brève discussion de résumer toute l’histoire des politiques publiques favorables à la santé depuis 20 ans. Il me semble toutefois utile de proposer à cet effet trois conclusions ou observations:

1- L’approche par milieux est prometteuse;

2- la santé publique dépend de facteurs « glocaux »;

3-  Il faut faire face à « l’irresponsabilité concertée ».

Ce bref texte a pour but d’illustrer ces observations à partir d’un exemple concret, afin de  provoquer un débat à leur sujet.

L’approche par milieux

L’approche par milieux (settings approach en anglais) est prometteuse parce qu’elle se préoccupe des processus par lesquels la santé des individus est influencée par certains déterminants sociaux dans leur milieu. Qui plus est, dans les milieux locaux, les gens sont physiquement rapprochés et ils partagent des préoccupations communes liées à l’environnement dans une aire géographique spécifique, ce qui facilite un dialogue multi-sectoriel sur la promotion de la santé. Finalement, c’est  une approche « holistique », permettant la mise en œuvre de stratégies intégrées qui visent l’amélioration de la santé publique.

En tant que spécialiste en géographie de la santé, je considère que les milieux de vie sont importants pour la santé à cause des divers processus qui s’y déroulent, dans l’environnement social et physique. Dans un de mes ouvrages récents (Curtis,2004), j’identifie ainsi ces processus:

-       les valeurs culturelles de la population concernant les milieux favorables à la santé;

-       les relations sociales et les inégalités de pouvoir, qui peuvent varier selon le milieu;

-       les effets des conditions de vie matérielles;

-       les attributs du milieu qui portent sur les pratiques de consommation;

-       les processus à l’œuvre dans l’environnement physique.

Une telle multiplicité de processus dans un milieu nécessite donc une approche holistique vis à vis la santé publique, au lieu d’une approche cloisonnée, ciblant seulement certains facteurs spécifiques.

L’OMS a mis l’accent sur certains types de milieux pour les interventions en santé publique et en promotion de la santé, dont les écoles, les lieux de travail, les centres religieux, les centres commerciaux ou  les municipalités. Lors du symposium des JASP, on a toutefois noté que d’autres milieux étaient aussi pertinents pour la mise en œuvre des interventions, comme par exemple les prisons. Je prendrai ici un autre exemple, celui de la zone autour du parc olympique pour les jeux de 2012, à Londres, en tant que milieu cible pour l’élaboration de politiques favorables à la santé. Cela me permettra notamment d’aborder les deux autres thèmes que je souhaite mettre en évidence dans ce court texte.

Le milieu du futur parc olympique de Londres : facteurs « glocaux » et  «irresponsabilité concertée»

La zone autour du parc olympique, pour les jeux de 2012, à Londres est un milieu intéressant. On est en voie d’y planifier un milieu qui privilégiera les sports, l’activité physique, et l’inclusion, toutes des caractéristiques d’un milieu favorable à la santé. Mais on doit également se préoccuper des éventuels effets nocifs pour la santé d’un tel développement, surtout pour la population locale; et il serait souhaitable de les éviter dans toute la mesure du possible.

L’organisation des jeux olympiques mobilise la participation de divers acteurs gouvernementaux, privés, médiatiques et publics. Il est toutefois difficile d’assurer une représentation adéquate des populations locales dans de tels processus pour un projet d’aménagement aussi énorme et aussi complexe, qui aura néanmoins un impact majeur sur leur environnement immédiat et sur leur capacité à s’y déplacer.

Source : ONS, 2001

Le parc olympique se trouve, d’ailleurs, dans une zone défavorisée de Londres. La Figure 1 présente les taux de morbidité chronique déclarée, recueillis lors du recensement de la population de 2001 (ONS, 2001). La couleur foncée indique les zones dans lesquelles les taux sont plus élevés.  Les effets du parc olympique seront donc concentrés dans des zones de forte morbidité, un indicateur significatif de défaveur sociale.

Les jeux olympiques sont un bon exemple des processus « glocaux » qui ont un impact sur la santé. Ces processus fonctionnent simultanément et de manière intereliée, et au niveau global et au niveau local, d’où le néologisme «glocal». Selon Beck par exemple, les risques auxquels on fait face aujourd’hui sont: “…. simultaneously local and global … The point of impact is not necessarily the point of origin…” ( Beck, 1999,  p. 141-44).                                                                      

Ainsi, les effets des risques (par exemple les effets pour la santé) se manifestent dans les milieux locaux, mais leur origine peut être ailleurs, dû à des décisions nationales ou supranationales comme dans le cas de l’organisation mondiale des jeux olympiques. Il faut donc envisager des actions et des politiques favorables à la santé à tous ces niveaux. Mais si l’impact sur la santé dans la zone du parc olympique dépend de décisions prises ailleurs à l’échelle internationale, les populations locales de  « la zone d’impact » risquent fort d’être marginalisées ou exclues de la prise de décision.

Cela m’amène à mon dernier point, que Beck (1999) nomme l’irresponsabilité concertée. Il s’agit de situations dans lesquelles divers acteurs participent à un débat sur l’impact pour la santé (dans ce cas les effets des jeux olympiques), mais ne sont pas prêts à modifier leurs objectifs et leurs modes de fonctionnement : “…. people who do not want to communicate with each other are forced together into a ‘community’ of shared (global) risks …” [and thus we must] “clarify the questions of organized irresponsibility..” (Beck,  1999, p. 152 ). Est-ce que l’on verra ce problème au cours de la planification des jeux olympiques de 2012? Il y a fort à parier!

Conclusion

Pour conclure, l’élaboration des politiques dans le contexte des jeux olympiques à Londres est un exemple type des défis considérables ainsi que des avantages potentiels considérables de santé publique que génèrent sur les milieux locaux des décisions politiques internationales.  Fait intéressant dans ce cas : on a créé une commission spécifiquement chargée de se pencher sur les impacts sur la santé du projet (The Health and 2012 Board), composée des représentants des divers groupes impliqués, qui a notamment lancé un débat public sur l’héritage que laisseront les jeux olympiques en matière de santé publique. Souhaitons qu’au cours des discussions de la commission Health and 2012, les principes pour des politiques publiques favorables à la santé (tableau 1) suggérés lors de la seconde conférence mondiale de promotion de la santé tenue en 1988 à Adelaïde en Australie, soient utilisés! Souhaitons aussi que l’exemple londonien serve aux débats lors de la 19e conférence mondiale de l’UIPES en juin prochain à Vancouver.

Tableau 1: Principes pour l’élaboration de politiques publiques favorables à la santé: 

  • La santé est un droit humain
  • La santé est un bon investissement social
  • De nouvelles alliances sont requises avec des partenaires hors des secteurs sanitaires et publics

Source: OMS, 1988

Voulez réagir à ce texte? Cliquez ici!

Références

Beck, U. (1999). World Risk Society. Cambridge, UK: Polity Press. URL: http://www.polity.co.uk/book.asp?ref=9780745622200

Curtis, S. (2004). Health and Inequality: Geographical Perspectives.  London: Sage. URL: http://www.sagepub.com/booksProdDesc.nav?prodId=Book210527

OMS. (1988). Politiques pour la santé, les recommandations d’Adelaïde, Déclaration d’Adélaïde. Genève: OMS. URL : http://www.ac-amiens.fr/pedagogie/svt/sante/page%201-3.htm

ONS. (2001). Population Census, Great Britain 2001.  London: Office of National Statistics.  Consulté le 2 mars 2007; URL: http://www.statistics.gov.uk/census2001/about_census.asp.


Copyright © 1999-2007 Reviews of Health Promotion and Education Online