Review/2001/1
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La Charte d’Ottawa pour la  promotion de la santé : une vision écologique et participative des élus locaux, territoriaux et nationaux

Carmen Veillette-Boucher, direction de santé publique, Agence de la santé et des services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue


Veillette-Bourcher, Carmen, La Charte d’Ottawa pour la  promotion de la santé : une vision écologique et participative des élus locaux, territoriaux et nationaux, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:25/index.htm.

Impliquée comme conférencière lors de la séance intitulée « Élaboration de politiques publiques favorables à la santé », soit la première stratégie d’intervention suggérée le 25 octobre dernier qui s’interrogeait sur « la Charte d’Ottawa : état de la situation sur les pratiques de santé publique depuis vingt ans », ma présentation faisait état d’une analyse régionale de l’élaboration locale de politiques publiques favorables à la santé en regard de Villes et Villages en santé (VVS), en Abitibi-Témiscamingue. J’en retracerai d’abord les principaux éléments pour ensuite énoncer quelques réflexions critiques et terminer par mon message pour les participants-es à la conférence de Vancouver.

QUELQUES CONSTATS SUR VILLES ET VILLAGES EN SANTÉ COMME POLITIQUE PUBLIQUE LOCALE OU RÉGIONALE DANS NOTRE MILIEU

Présentation de la région de l’Abitibi-Témiscamingue

Cette région peu peuplée et située au nord-ouest de la province de Québec, au sud du 48e parallèle, à plus de 400 km de Montréal, est vaste et n’a été défrichée, peuplée et développée qu’au cours du siècle dernier. C’est un territoire riche principalement par son sous-sol (or, cuivre…) et sa forêt. L’agriculture est aussi présente, particulièrement dans quatre des cinq territoires la composant. La région représente 4,3 % de la superficie de la province de Québec.

Certaines des caractéristiques sociodémographiques de la région sont importantes à souligner: elle compte 145 964 habitants, représentant une densité de population de 2,3 habitants par km2, répartis dans 63 municipalités, 10 territoires non organisés, 3 établissements et 4 réserves des Premières Nations. Plus des deux-tiers des localités sont rurales et regroupent, chacune, moins de 1 000 habitants. Seules quatre des soixante-trois localités comptent plus de 8 000 habitants.

Dans le cadre de ma présentation, j’ai apporté des précisions quant aux réalisations de la région en termes de politiques locales publiques favorables à la santé, identifiées comme étant les moyens pris pour améliorer les conditions et les milieux de vie. Les instances locales, soit les conseils municipaux dans le cadre de VVS, ont décidé par résolution de soutenir des projets identifiés par la population et défendus par des leaders de leur localité.

Les réalisations au plan local

Plus de 31 municipalités et un conseil des Premières nations ont adhéré à Villes et Villages en santé dans la région, ce qui représente plus de 56 communautés bénéficiant d’initiatives de développement de la qualité de vie dans leur communauté. Avec des résolutions entérinées par les élus locaux de ces VVS, les leaders des communautés ont saisi toutes sortes d’opportunités de développement local en matière de santé et de bien-être. Voici quelques exemples de politiques locales formulées dans l’une ou l’autre des municipalités :

  • L’accueil des jeunes et la participation communautaire à leur développement
  • L’aménagement de parcs avec la contribution des parents
  • La mise en place de mesures de sécurité pour les enfants, les femmes et les aînés
  • Le soutien financier, technique et structurel du mouvement « école en santé »
  • Le soutien au développement de mesures visant l’amélioration de la qualité de vie de la communauté, telles que des codes de pratiques communautaires saines et sécuritaires

L’ouverture au développement de politiques locales favorables à la santé s’est faite progressivement et péniblement parce que les élus, lorsqu’ils quittaient le monde politique, n’assuraient pas la pérennité des décisions prises durant leur mandat. De plus, les décisions pouvaient tarder à venir et des délais étaient ainsi occasionnés pour la réalisation des projets convenus avec l’assentiment des membres de la communauté.

Le Plan stratégique du Conseil régional de développement de la région (CRD) d’alors et du Conseil régional des élus actuel ainsi que les Plans régional et locaux de santé publique de la région ont été et sont toujours des «moteurs de changements» des politiques locales. Les communications entre les instances locales et régionales se font harmonieusement, de même qu’entre les différents secteurs d’activités (le municipal, l’éducation, le milieu communautaire, les entreprises et la santé, entre autres).

De plus, autre phénomène positif, les constats suivants sont régulièrement exprimés par les leaders dans les lieux de décision aux plans local et régional en lien avec l’amélioration des conditions et des milieux de vie:

  • Les communautés sont prêtes à se mobiliser davantage
  • L’environnement physique s’améliore progressivement grâce à l’implication d’un grand nombre de personnes dans les communautés
  • La vitalité communautaire est stimulée par la présence de ces mêmes citoyennes et citoyens
  • Plusieurs projets novateurs, d’abord approuvés par résolutions locales, ont été reconnus régionalement et au niveau du Québec et certains font «figure de proue».

DÉFIS À RELEVER ET RÔLE DES PARTENAIRES

Dans ce contexte, il y a néanmoins de nombreux défis à relever, qui sont de différents ordres. Certains efforts seront nécessaires pour cerner tous leurs impacts et en établir les lignes de force pour l’action. Dans notre région, nous sommes donc confrontés à :

  • Une population dispersée sur un vaste territoire
  • Le déclin et le vieillissement de la population d’une jeune région
  • Certains problèmes de santé plus aigus que dans l’ensemble du Québec
  • Des habitudes de vie dites « non favorables » à la santé
  • Certains risques reliés à l’environnement physique
  • Un contexte socioéconomique difficile : l’industrie du bois en crise, l’embargo sur les importations de bœuf et la fermeture d’entreprises, entre autres.

Pour les contrer, la contribution des partenaires impliqués dans VVS est cruciale. Au palier local, on s’attend à ce qu’ils jouent des rôles:

  • D’INFLUENCE par la promotion d’une approche de promotion de la santé pour les politiques locales, en faveur de la santé et du bien-être
  • D’ANIMATION dans des lieux de concertation et auprès des groupes
  • DE SOUTIEN pour l’implantation d’espaces de participation et d’empowerment individuel et collectif ainsi que pour l’appui des leaders locaux et des organismes du milieu
  • DE SOUTIEN et D’ACCOMPAGNEMENT des acteurs locaux par les organismes territoriaux (Centre de santé et de services sociaux, Centre local de développement, Société d’aide aux petites collectivités, les organismes communautaires, ainsi que les entreprises) pour le développement de projets d’actions, en concertation
  • DE CONTRIBUTION à l’évaluation sur le plan des processus et des résultats

Au palier régional, on souhaite que les partenaires se préoccupent :

  • D’INFLUENCE, par la promotion du développement des communautés sur les politiques locales et régionales dans une perspective de santé et de bien-être
  • DE SOUTIEN des organismes locaux et territoriaux qui contribuent au développement en matière de santé, de bien-être et de qualité de vie
  • DE PARTENARIAT entre les leaders régionaux et les organismes qui contribuent au développement social et au développement des communautés
  • D’INITIATION et DE COORDINATION de l’évaluation de processus de développement dans les communautés avec la participation de celles-ci et des élus locaux de leur localité

À cet effet, les écrits de Syme (2000) sont fort intéressants puisqu’ils précisent qu’il est important de tenir compte du fait que les véritables choix en matière de santé appartiennent aux individus et aux communautés.

UNE RÉFLEXION CRITIQUE SUR MA PARTICIPATION AU SYMPOSIUM SUR LA CHARTE D’OTTAWA

Cette journée m’a permis, comme professionnelle depuis plus de vingt ans en santé publique, de constater d’abord qu’une évolution s’est produite dans l’action pour l’ensemble des stratégies diffusées depuis la proclamation de la Charte d’Ottawa. Les stratégies d’action pour promouvoir la santé référaient tant aux individus qu’à leur environnement immédiat ainsi qu’à l’action communautaire, à la réorganisation des services de santé et à l’élaboration de politiques publiques favorables à la santé. Je constate que depuis ce temps, on peut observer une implication de plus en plus soutenue de la part de la population à améliorer son bien-être et sa qualité de vie ainsi qu’une implication plus régulière et convenue des partenaires intersectoriels et économiques, à travers les décisions qu’ils prennent en faveur du développement et de la promotion de la santé des communautés.

Je me suis aussi rendue davantage compte de la pertinence de certains auteurs qui m’ont influencée à travers le temps. Les capitaux social et humain identifiés par Hancock (2000) constituent les bases pour améliorer la santé et le bien-être de la population. Mes homologues provinciaux de même que mes collègues régionaux et territoriaux de santé publique et moi-même faisons régulièrement référence aux indicateurs sociaux de la santé pour établir les stratégies d’action en faveur de la santé et du bien-être des communautés. Pour appuyer cette pratique, Lomas (1997) précisait, dans son livre intitulé Social Capital and Health: Implications for Public Health and Epidemiology and Biostatistics, que le soutien social et les réseaux d’association semblent pouvoir réduire la mortalité de la population; à l’inverse le désinvestissement en capital social explique essentiellement le rapport entre les inégalités de revenu et la santé de la population (Kawachi, Kennedy, et Lockhner, 1997). En ce sens, les présentations à la journée annuelle sur la Charte d’Ottawa en octobre 2006 concernant la Charte de Bangkok (Organisation mondiale de la santé, 2005) diffusée dans le cadre de la sixième conférence mondiale de la promotion de la santé des États Membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Bangkok, réaffirment l’importance de la Charte d’Ottawa (Organisation mondiale de la santé, 1986) et élargissent les actions en lien avec ses cinq stratégies de 1986. Et, afin que ces actions aient cours, les acteurs proviennent tant des lieux de proximité que des niveaux national et international. Ils ont des rôles et des mandats reliés à leur niveau de pouvoir et couvrent les domaines tant social et environnemental qu’économique.

Finalement, comme j’œuvre en santé communautaire et santé publique depuis plus de vingt-cinq ans et que je soutiens et que je participe au développement des communautés en matière de santé, de bien-être et de qualité de vie, je m’étais donnée, avant les Journées annuelles de santé publique 2006, la responsabilité de préparer un outil de travail. Cet outil, produit sous forme d’affiche, offre une synthèse du contenu de la Charte d’Ottawa, de la Déclaration de Jakarta (Organisation mondiale de la santé, 1997) diffusée lors de la quatrième conférence internationale des États membres de l’OMS intitulée «  À ère nouvelle, acteurs nouveaux » en juillet 1997 et de la Charte de Bangkok, ainsi que de liens entre ces documents. L’affiche a comme but d’offrir un contenu qui démontre le bien-fondé de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé et permet de visualiser le déploiement des stratégies que cette dernière a suscité entre 1986 et 2006. L’outil est actuellement utilisé lors de l’accueil de nouveaux professionnels à la direction de santé publique et sera mis à profit selon les opportunités, dans l’action. Suite à la journée sur la Charte d’Ottawa, le 25 octobre dernier, il a aussi été déposé aux gestionnaires de la Table nationale de coordination promotion prévention de santé publique par notre représentante régionale. Cet outil est diffusé aux organisateurs communautaires et aux gestionnaires des centres de santé et de services sociaux de la région. Il me fera aussi plaisir d’en faire parvenir copie à toute personne intéressée. On n’a qu’à me contacter par courriel à cet effet 

MON MESSAGE AUX PERSONNES PARTICIPANTES À LA 19e CONFÉRENCE MONDIALE DE l’UIPES SUR LA PROMOTION ET L’ÉDUCATION À LA SANTÉ EN 2007.

La Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé constitue une référence mondiale pour le développement des communautés en matière de santé, de bien-être et de qualité de vie! Cette Charte et les déclarations qui ont suivi contribuent au développement des capitaux humain, social, environnemental et économique d’un milieu par la mobilisation et la participation des citoyens à la définition de leur besoins reliés à la santé et à la réalisation d’actions favorables à leur bien-être! 

Les déclarations ultérieures telles que celles de Jakarta et la Charte de Bangkok ont en effet contribué à poser des jalons solides en vue d’un développement social, environnemental et économique harmonieux, dans une perspective de développement durable. Toutes ensembles, elles fournissent un leitmotiv rassembleur pour l’amélioration de la santé des populations dans son sens très large et soucieuse des générations futures.

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Références

Hancock, T. (2000). Des gens en santé dans des communautés en santé dans un monde en santé, le défi de la santé publique au 21 ième siècle. Texte révisé de celui présenté dans le cadre des Journées nationales annuelles de santé publique en novembre 1999, Québec.

Kawachi, I., Kennedy B. P. et Lockhner K. (1997). "Long Live Community: Social Capital as Public Health". American Prospect, 35, 56-59. URL: http://www.prospect.org/web/page.ww?section=root&name=ViewPrint&articleId=4759

Lomas, J. (1997). Social Capital and Health: Implications for Public Health and Epidemiology and Biostatistics. Hamilton Ont.: Mc Master University.

Organisation mondiale de la santé. (1986). Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé. Genève: Organisation mondiale de la santé. PDF: http://www.who.int/hpr/NPH/docs/ottawa_charter_hp.pdf

Organisation mondiale de la santé. (1997). Déclaration de Jakarta sur la promotion de la santé au XXIème siècle. Genève: Organisation mondiale de la santé. URL: http://www.who.int/healthpromotion/conferences/previous/jakarta/declaration/en/

Organisation mondiale de la santé. (2005). La Charte de Bangkok pour la promotion de la santé à l’heure de la mondialisation. Genève: Organisation mondiale de la santé. PDF: http://www.who.int/entity/healthpromotion/%20conferences/6gchp/BCHP_fr.pdf

Syme, L.S. (2000). Promoting Health Intervention Strategies from Social and Behavioral Research. Washington: National Academy of Sciences, Institute of Medicine. URL: http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=9939


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