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La mouvance de la Charte dOttawa Jeanne Gagné, inf. B.Sc. M.A., Université de Sherbrooke
Gagné, Jeanne, La mouvance de la Charte dOttawa, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:27/index.htm. Pourquoi jai participé aux JASP 2006
Infirmière de formation, détentrice depuis peu dune maîtrise en sciences de léducation de lUniversité de Sherbrooke au Québec et doctorante en éducation, cest la lecture de la brochure annonçant les 10 ans des Journées annuelles de santé publique qui a suscité mon intérêt à proposer une communication affichée de mes résultats de recherche au comité scientifique de cet évènement international. Mon intérêt de recherche est lévaluation des programmes denseignement aux clientèles atteintes de maladies chroniques, plus particulièrement aux personnes diabétiques. Le diabète étant une préoccupation de santé publique, la présentation de leffet comparatif de deux programmes denseignement de lautogestion du diabète (PEAD) sur ladaptation au stress du diabète chez les personnes diabétiques de type 2 me semblait tout à fait appropriée à lévènement. La diffusion des résultats de recherche auprès des praticiennes et des praticiens me semble important pour susciter la réflexion, voire apporter des recommandations en vue daméliorer les programmes. Le symposium sur La recherche et la formation comme fondements des actions efficaces en santé publique, auquel je me suis inscrite en complément à celui sur la Charte dOttawa, sest donc avéré approprié considérant mon champ de recherche. Ce symposium ma apporté beaucoup de matière à réflexion sur linterrelation Recherche-Formation-Pratique, entre autres sur la nécessité de vérifier les besoins de la pratique lorsque lon entreprend des recherches et de sassurer dune diffusion adéquate des résultats de recherche pour quils soient facilement transférables dans la formation et applicables dans la pratique en santé publique. De plus, je me suis inscrite à la journée plénière sur la Charte dOttawa pour la promotion de la santé dans le but dassister plus particulièrement à la séance sur lacquisition daptitudes individuelles et à latelier La Charte dOttawa dans la communauté crie du Nord du Québec: lexemple dun programme de prévention du diabète, sujets dintérêt pour ma recherche doctorale. Référence, sil en faut, dune formation reçue sur léducation à la santé, cette Charte dOttawa (Organisation mondiale de la santé, Santé et bien-être social Canada, et Association Canadienne de santé publique, 1986) ma toujours intriguée. Tout dabord, je suis encore impressionnée quà lintérieur dun document de quatre pages, il ait été possible détablir les bases nécessaires à latteinte de la santé pour tous dici lan 2000 et au-delà. Ensuite, les définitions des différents éléments de la Charte et de lintervention en promotion de la santé, appropriées pour lépoque, le demeurent encore aujourdhui. Finalement, le schéma dinspiration autochtone indique comment la Charte dOttawa peut influencer la promotion de la santé, à travers une mouvance des différents éléments. Mes attentes pour la journée plénière étaient donc de constater ce qui avait changé depuis la première conférence internationale pour la promotion de la santé il y a vingt ans, de voir comment la Charte dOttawa avait bien pu résister aux changements et finalement, den connaître son application depuis les vingt dernières années. Mes réactions au contenu de la journéeLe Pr Gaston Godin, lors de sa présentation Que savons-nous sur lefficacité des interventions visant lacquisition daptitudes individuelles favorables à la santé?, a bien exposé sa préoccupation quant à la place de lindividu dans la promotion de la santé. Il a fait état de linefficacité des interventions en éducation à la santé, par exemple, si on ne tient pas compte des besoins et des principales causes dune situation donnée, sil ny a pas limplication de tous les acteurs (participants, intervenants et planificateurs) et si les interventions ne sont pas soutenues par des stratégies de planification. La conclusion, découlant de mes résultats de recherche sur les PEAD et ladaptation au stress du diabète, va dans ce sens. En effet, il y a un écart certain entre les besoins des professionnels de la santé et ceux des personnes diabétiques qui suivent un PEAD de groupe intensif ou de groupe étalé (Gagné, 2007). Les uns veulent que les participants atteignent une glycémie optimale alors que la préoccupation des autres est liée à lalimentation. Malgré laugmentation de connaissances sur le sujet, le niveau de détresse psychologique semble faire en sorte que les connaissances acquises soient difficiles à intégrer, doù la nécessité de tenir compte des aspects psychologiques dans lélaboration des programmes et de bien évaluer les besoins. Dailleurs, le Dr Louis Gagnon mentionnait, dans sa présentation La mise en uvre dinterventions de changement dhabitudes de vie: les leçons à tirer du programme ACTI-MENU, limportance de tenir compte du pouvoir de lindividu en le soutenant dans sa démarche et en laccompagnant dans sa prise en charge de sa santé physique et psychologique. Depuis vingt ans, la santé des individus au Canada sest-elle améliorée autant quon aurait pu le souhaiter? Mentionnons à cet effet, la large place prise par lobésité et le diabète, qui sinstallent de plus en plus dans les populations, augmentant par le fait même le taux de personnes présentant une cardiopathie, devant recevoir des traitements de dialyse ou subir une amputation pour ne citer que ces problèmes; ils viennent mettre un bémol sérieux sur les gains réalisés dans dautres secteurs ou face à dautres problèmes. Dans un communiqué de presse du Centre ontarien dinformation en prévention, en novembre 2006 (COIP, 2006), il est fait mention, entre autres, du « déplorable dossier santé » de la population autochtone du Canada, du fait quun enfant canadien sur six vive dans la pauvreté et de limportance accordée au traitement des maladies chroniques plutôt quà la prévention. À cet effet, latelier The Ottawa Charter in nine Cree communities in Liyiyiuyiu Aschii (James Bay region): A diabetes prevention program at work (Andermann et al, 2007) visait à « apprécier les défis et les possibilités que fournit la Charte dOttawa pour la prévention du diabète et la promotion de la santé au sein de la communauté crie du Nord du Québec » (JASP, 2006, p. 7). Jétais curieuse de voir de quelle prévention on y discuterait, primaire, secondaire ou tertiaire? Nous avons dabord appris que dans certaines communautés autochtones, la prévalence du diabète se situe entre 57 et 62 % alors quau Québec, la prévalence densemble est de 4,9 %; elle serait de 22,4 % dans la population crie à la Baie James, avec un taux dobésité et de surplus de poids de 46 %. Par la suite, trois petits groupes de participantes et participants ont traité de prévention primaire par des études de cas, en appliquant les différents éléments de la Charte dOttawa. Lexposé décrivant la population crie des communautés dIiyiyuu Aschii, nous a informés que les CriEs ont changé leurs habitudes de vie à la suite de la signature du James Bay Northern Quebec Agreement en 1975 qui intensifia lavènement du mode de vie des Blancs, incluant les motoneiges et lalimentation. Les informations de la présentation indiquaient que lobésité se serait installée à partir de ces évènements. Les problèmes sociaux chez les CriEs de la Baie James nous ont été présentés comme criants : lalcoolisme (39 %), les adultes de 15 à 74 ans sans emploi (24 %) et le peu de diplômés de niveau secondaire (37 %). On peut aussi sinquiéter du niveau de détresse psychologique chez cette population. Les éléments schématisés de la Charte dOttawa sappliquaient bien aux études de cas proposés dans nos petits groupes. Il mest apparu difficile pour ces communautés de renforcer laction communautaire, de développer des aptitudes individuelles et de créer des milieux favorables à la promotion de la santé. En effet, depuis vingt ans, les instances gouvernementales gérant ces communautés leur ont-elles vraiment donné les moyens datteindre ces objectifs? Ont-elles tenu le rôle de médiateur et promu lidée dune bonne santé dans cette population? Le schéma de la Charte dOttawa aux allures daurores boréales apparaissant dans lUnivers semblait pourtant rempli de promesses. Tout comme la mentionné le Pr Gaston Godin (2006), on doit tenir compte de lindividu, de ce qui lhabite, de ses besoins et de ses valeurs pour améliorer son environnement, quel quil soit, et sassurer de promouvoir la santé publique. En conclusion Voici le constat que je fais suite à cette journée plénière sur la Charte dOttawa, et qui est en même temps le message que je souhaite livrer aux participantes et aux participants à la conférence de Vancouver. Depuis linstauration de la Charte dOttawa, la santé de nos populations au Canada ne sest pas améliorée autant quon laurait souhaité et dans certains cas, elle sest même détériorée. Les programmes dintervention se sont avérés inefficaces dans bien des domaines. La réorientation des services de santé a visé davantage le curatif que la prévention et la promotion de la santé. La Charte dOttawa est encore utile et dactualité, dans la mesure où on met à jour les définitions des différents éléments qui la composent. Toutefois, son applicabilité ne pourra sactualiser, pour la santé des individus, quà travers la contribution des industries et des organismes subventionnaires, en collaboration avec les instances gouvernementales et les communautés. Bien des facteurs semblent jouer en défaveur de lapplication de la Charte, tels que la quête de profits des industries, le développement technologique ou encore la politique pour ne nommer que ceux-ci. À mon sens, la mouvance de la Charte dOttawa a été bien faible, considérant les résultats obtenus jusquà présent en matière de santé et le peu de volonté à collaborer de la part de tous les acteurs.
Références Andermann, A. et al, (2007) Health Promotion In Iiyiyiu Aschii: Reflections on a workshop exploring the opportunities and challenges of using the Ottawa Charter for diabetes prevention in the Cree Nation of James Bay Northern Quebec, Reviews of Health Promotion and Education Online,. URL: 15/index.htm Centre ontarien dinformation en prévention (COIP). (2006). Le 21 novembre 2006 marque le 20e anniversaire de la signature de la Charte dOttawa pour la promotion de la santé. PDF: http://www.opc.on.ca/francais/a_propos/pdfs/FR_OttawaCharter_PR.pdf. Gagné, J. (2007). Lapprentissage de lautogestion du diabète et ladaptation à la maladie : programme de groupe étalé versus intensif. Mémoire de maîtrise en sciences de léducation. Université de Sherbrooke, Québec. Gagnon, L. (2006, 25 octobre). La mise en uvre dinterventions de changement dhabitudes de vie: les leçons à tirer du programme ACTI-MENU. Présentation orale aux JASP, Montréal. Godin, G. (2006, 25 octobre). Que savons-nous sur lefficacité des interventions visant lacquisition daptitudes individuelles favorables à la santé? Présentation orale aux JASP, Montréal. JASP. (2006). Programme des 10es Journées annuelles de santé publique. Montréal, http://www.inspq.qc.ca/jasp/programme/2006/default.asp?A=2&Lg=f Organisation mondiale de la santé, Santé et bien-être social Canada, et Association Canadienne de santé publique. (1986). Charte dOttawa pour la promotion de la santé : Une conférence internationale pour la promotion de la santé vers une nouvelle santé publique 17 au 21 novembre 1986. Ottawa (Ontario). http://www.phac-aspc.gc.ca/ph-sp/ddsp/pdf/chartre.pdf Public Health Department of the Cree Territory of James Bay. (2006, october 25). The Ottawa Charter in nine Cree communities in Liyiyiuyiu Aschii (James Bay region): A diabetes prevention program at work. Atelier aux JASP, Montréal. | |
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