Review/2001/1
RHP&EO is the electronic journal of the
International Union for Health Promotion and Education

Home ] [ IUHPE ] Our Mission ] Editorial Board ] [ Contributors ] Papers ] [ IJHP Papers ]

Agir en amont ensemble : Célébration du 20e anniversaire de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé et du Centre ontarien d’information en prévention

par Subha Sankaran


Sankaran, Subha. Agir en amont ensemble : Célébration du 20e anniversaire de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé et du Centre ontarien d’information en prévention, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:30/index.htm.

Fondé un an avant le lancement de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé, le Centre ontarien d'information en prévention (COIP) est le principal organisme bilingue de promotion de la santé en Ontario, au Canada. Il a proposé, au cours des 20 dernières années, des approches novatrices  visant  à renforcer la capacité des intervenants en promotion de la santé[1].

La conférence  Agir en amont

Afin de souligner le 20e anniversaire de la Charte d'Ottawa et du COIP, ce dernier a organisé une réunion de travail pour célébrer les réussites et discuter de l'efficacité des stratégies de promotion visant à améliorer la santé de la population. Intitulée Agir en amont ensemble[2] : collaborer pour la santé et le bien-être futurs de l'Ontario[3], la conférence a eu lieu en février 2006 à l'Université de Toronto; elle a été inaugurée par le ministre de la Promotion de la santé, l'honorable Jim Watson. La conférence a réuni plus de 200 professionnels, bénévoles et étudiants des secteurs de la santé et des services sociaux en Ontario, qui ont cherché à déterminer quelles stratégies adopter pour opérer un vrai changement social et améliorer la santé tant des particuliers que des communautés partout en Ontario. La conférence a fourni quantité d'occasions, notamment des présentations, des débats de spécialistes, des « cafés-causeries », des enregistrements graphiques, des discussions ainsi que des sessions plénières ou simultanées, qui ont permis aux participants d'interagir, de partager leurs idées, d'établir des contacts et d'apprendre l'un de l'autre[4]

La première journée de la conférence s'est amorcée par un atelier-présentation animé par Suzanne Jackson, directrice du Centre for Health Promotion à l'Université de Toronto, et Suzanne Schwenger, consultante en promotion de la santé au COIP. Lors de cette séance, on a passé en revue l'historique des conférences et engagements internationaux de l'Organisation mondiale de la santé en matière de promotion de la santé, de la Charte d'Ottawa en 1986 jusqu'à la récente Charte de Bangkok, en 2005. Mme Jackson a évoqué l'expansion du mouvement pour des milieux de vie sains, de même que certains thèmes généraux qui ont émergé pendant cette période, dont la participation de la communauté, le développement des partenariats, l'investissement dans la santé, l'équité sociale et la responsabilité mondiale. D'intéressantes discussions ont suivi, portant en particulier sur la mondialisation, les médias de masse et d'autres facteurs qui « rétrécissent » graduellement le monde dans lequel nous vivons, ainsi que sur la façon dont ces changements influencent le travail des promoteurs de la santé.

Les participants ont soulevé le dilemme de la limitation apportée par l'attribution des tâches, les structures organisationnelles et les paramètres du financement parallèlement à la nécessité d'être actif en matière de politiques publiques pour instaurer des changements durables. Après la séance, Charles Pascal[5] a fait, dans le cadre d'un discours principal, la promotion de l’indice canadien du bien-être (ICBE). Cet indice, en cours de développement, mesurera le bien-être au sein de la société, en complément de mesures telles que le produit intérieur brut (PIB), utilisées pour évaluer le rendement économique d'une société. Au Canada, un nombre croissant d'organismes et de personnalités, dont Roy Romanow, collabore à la mise en oeuvre de cet index qui devrait fournir une mesure concrète des éléments qui influencent la qualité de vie de la population.

Le ton de la deuxième journée a été donné par Connie Clement, directrice générale du COIP, qui a présenté la sortie publique d’un document exposant le point de vue de l’organisation. Intitulé La prévention : une cause importante[6], le document rassemble succinctement de puissants arguments et données exhortant les décideurs à adopter une vision à long terme et à prendre de solides engagements sociaux et stratégiques afin de mettre en œuvre des initiatives de prévention et de promotion de la santé.

Les séances concurrentes ont traité de questions clés pour l'avenir de la promotion de la santé. Par exemple, lors de la séance intitulée « Où sont les déterminants de la santé? », les participants ont discuté des possibilités et des obstacles qui se présentent aux organismes qui travaillent sur les déterminants de la santé. L'une des leçons tirées de cette séance a été de reconnaître la difficulté de s'attaquer simultanément à l'ensemble des déterminants de la santé ainsi que la nécessité de se concentrer sur quelques-uns d'entre eux et de collaborer avec d'autres organismes pour traiter la totalité de ces déterminants. Le défi de tous les organismes est de trouver des moyens d'intégrer ces déterminants à leurs activités. Durant la séance intitulée « Cesser de travailler en vase clos », les participants ont discuté de la possibilité de bâtir des partenariats plus efficaces afin de faire contrepoids aux divisions entre divers secteurs occasionnées par les structures politiques et le financement. On a suggéré qu'en plus d'essayer de décloisonner les vases, on pouvait également les « infiltrer » par un exercice d’influences. Dans le but de construire des ponts entre les différents secteurs, nous devons faire un effort réfléchi pour changer de dialogue, de langage et de paradigme. Par exemple, lors de la création de partenariats avec le secteur privé, nous devons communiquer dans un langage qu'il comprend et mettre l'accent sur les éléments qui nous unissent. On a également présenté des séances en français, au cours desquelles les participants ont traité de questions complexes liées aux services en français. Lors de la séance intitulée : « L'accès à lui seul ne suffit pas : solutions pour les collectivités francophones », les participants ont souligné l'importance de dispenser des services de façon flexible et novatrice, et de la nécessité de faire participer les communautés francophones à l'identification de leurs besoins[7].

Le deuxième jour, les séances d'après-midi se sont déroulées sous forme de tables rondes. Les animateurs de chacune des tables, un peu moins de vingt au total, ont alimenté la discussion en donnant des exemples concrets d'initiatives fructueuses de promotion de la santé. Menée selon la formule « café-causerie », la discussion a contribué à faire ressortir certains points particuliers pour une réflexion collective – Qu'est-ce qui a fonctionné? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Qu'aurait-on pu améliorer? Avec le recul, auriez-vous fait les choses différemment? Les participants ont effectué un remue-méninges sur un vaste éventail de questions, telles que l'identité sexuelle, les partenariats avec les écoles, les services adaptés à la culture, ou le logement social. Chaque table ronde a permis de dégager des idées et solutions situées en amont pour aborder ces questions. Voici quelques conclusions auxquelles les participants sont parvenues : l'orientation sexuelle n'est pas souvent présentée de façon explicite comme un déterminant social de la santé et il y a encore beaucoup d'efforts à faire pour qu'elle soit perçue comme une question dont on peut parler librement; nous pouvons développer des partenariats sains avec les établissements d'enseignement en appuyant des projets dirigés par des étudiants; il est souvent plus facile de rejoindre les immigrants dont l'anglais n'est pas la langue maternelle en passant par leurs enfants; en matière de logement social, l'accent devrait être mis sur la construction de la communauté plutôt que sur la construction d'édifices. La conférence a été un succès parce qu'elle a permis aux participants de présenter ou d'écouter des points de vue valables, d'établir de nouveaux contacts et de raviver d'anciennes relations.

La conférence a également permis de réaffirmer combien il est important de maintenir et de renforcer l'influence de la promotion de la santé en agissant en amont et en abordant les problèmes avant qu'ils nous submergent. Les discussions ont confirmé la nécessité d'apprendre de nos réussites, d'innover et de créer de nouveaux partenariats, d'intégrer l'inclusion et de réduire les inégalités en matière de santé et, encore plus important, d'agir MAINTENANT de façon à faire la promotion d'une meilleure santé.

Faire écho aux résultats de la conférence : articles, discussions et présentations

Au cours des mois qui ont suivi la conférence, le COIP s'est servi des renseignements stratégiques présentés lors des ateliers et discussions pour continuer sa réflexion sur les chartes d'Ottawa et de Bangkok. Une de nos consultantes en promotion de la santé, Sylvie Boulet, a rédigé un article portant sur la Charte de Bangkok et sa pertinence pour les promoteurs communautaires de la santé (Boulet, 2005, 2006). Cet article a été publié dans Bloc-Notes puis dans Ontario Health Promotion Electronic Bulletin[8], deux des bulletins électroniques du COIP. Selon cet article, la Charte de Bangkok appuie la Charte d'Ottawa en insistant sur l'importance de la promotion de la santé, en théorie comme en pratique; elle élargit également la portée des stratégies de promotion de la santé en étendant leur application aux pays en voie de développement. Selon Mme Boulet, la Charte de Bangkok insiste sur la nécessité d'élaborer des initiatives de promotion de la santé à l'échelle mondiale et laisse présager le rôle central que jouera la promotion de la santé dans le développement à l’échelle planétaire. La Charte plaide pour l'adoption d'importantes ententes intergouvernementales visant à améliorer la santé de la population et à réduire les injustices entre les riches et les pauvres en matière de santé. Toujours selon Mme Boulet, alors que la Charte d'Ottawa insistait sur l'action communautaire, la Charte de Bangkok milite pour le renforcement des capacités par l'élaboration de politiques, la législation et les partenariats avec divers secteurs (public et privé) à l'échelle mondiale. La Charte de Bangkok soulève des questions relativement à l'influence de l'action communautaire au-delà de nos communautés locales et affinitaires. De quelle façon notre travail à l'échelle locale, en tant que promoteurs de la santé, influence-t-il les événements à l'échelle mondiale? Grâce à nos actions variées – formation, soutien des minorités ou incitation à changer de mode de vie –, nous influençons la santé des particuliers, des familles, des communautés et, possiblement, des nations. Malheureusement, bien que ce cadre de travail pour la promotion de la santé améliore notre niveau de sensibilisation à certains problèmes mondiaux, de nombreux praticiens oeuvrant au sein de communautés locales n'ont pas le mandat, le temps, l'énergie ou les outils pour appliquer ce nouveau cadre de travail. Toutefois, nous pouvons tous travailler conformément à la Charte de Bangkok en sensibilisant les clients au pouvoir d'ordre économique qu'ils détiennent.

En ce sens, selon Mme Boulet, la Charte de Bangkok est un excellent complément à celle d'Ottawa. Cette dernière, qui possède une structure bien définie et utilise un langage concret, encourage les promoteurs de la santé à recourir à des actions à plusieurs volets. Elle permet d'utiliser les déterminants de la santé comme objectifs aussi bien que comme indicateurs de succès. La Charte de Bangkok, de son côté, stimule notre réflexion, questionne notre engagement global et évalue nos actions de justice sociale. Elle nous amène à réfléchir sur nos actions personnelles et nos interventions communautaires de même qu'à envisager l'impact à l'échelle internationale de nos initiatives locales.

Cet article a suscité de l'intérêt tant au sein du COIP que parmi les praticiens de la promotion de la santé extérieurs à l'organisme. Le COIP a organisé une réunion avec l'ensemble du personnel au cours de laquelle on a discuté de cet article ainsi que des deux chartes. Sylvie Boulet est allée présenter le fruit de cette réflexion aux Journées annuelles de Santé Publique 2006 (JASP) à Montréal. Elle doit également présenter ses conclusions à l'Union internationale de promotion de la santé et d'éducation pour la santé (IUHPE) à Vancouver en juin 2007.

La Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé constitue toujours un guide sur lequel s'appuient les intervenants du domaine de la promotion de la santé partout dans le monde. Le COIP ne fait pas exception. Que ce soit en matière de planification des programmes au quotidien, de réflexion stratégique, d'orientations politiques, de perfectionnement du personnel ou de développement des ressources, la Charte d'Ottawa demeure une référence pour nous, tant pour la philosophie qui la sous-tend que pour son approche globale. Le COIP s'est appuyé sur cette charte pour élaborer un « cadre thématique » qui constitue le fondement de l'Ontario Health Promotion E-Bulletin, le bulletin électronique et la base de données interrogeable sur la promotion de la santé les plus complets au Canada. Une publication sœur plus récente, le Bloc-Notes, utilise le même cadre de référence. Le COIP a utilisé ce cadre lors de sa collaboration avec l'Affilié du Réseau canadien de la santé (RCS) en promotion de la santé afin d'élaborer un outil destiné à tous les affiliés du RCS, ce qui contribuera à assurer une couverture complète des ressources dans le domaine de la promotion de la santé. Alison Stirling traitera de ce sujet lors d'une présentation à Vancouver en juin.

La Charte de Bangkok est utilisée pour approfondir cette approche de plusieurs façons. La reconnaissance des disparités dans le domaine des soins de santé en est un exemple. Au sein du Canada, les communautés autochtones affichent un bilan de santé très défavorable. En outre, l'immigration est une des conséquences de la mondialisation qui touchent le Canada. La réduction des disparités en matière de santé, en particulier parmi les communautés d'immigrants et groupes ethno raciaux, est un domaine que l’on doit approfondir et qui commande la prise de mesures concrètes.

Les réactions à la conférence Agir en amont et aux réflexions de Mme Boulet sur la Charte de Bangkok sur la promotion de la santé montrent que les chartes d'Ottawa et de Bangkok sont toujours pertinentes pour les intervenants de la promotion de la santé. Cependant, comme nous l'avons constaté lors de la conférence, l'attrait qu'exercent ces deux chartes va bien au-delà de ce secteur. La séance préalable à la conférence, qui s'est penchée sur les deux chartes, a suscité davantage d'intérêt que prévu. Comme elle avait été conçue à l'origine pour les spécialistes de la promotion de la santé, nous avons été étonnés de constater que 85% des participants à la conférence provenaient de divers secteurs d'activités et s'étaient inscrits à cette séance pour en apprendre davantage sur les deux chartes. Cette anecdote intéressante réaffirme le grand potentiel des chartes, qui demeurent des outils efficaces pour procéder à la profonde transformation sociale nécessaire à notre quête d'une meilleure santé pour l'ensemble de la population.

Remerciements :

Cet article est le fruit de la collaboration de plusieurs membres du COIP.

Collaboratrices : Subha Sankaran, consultante en promotion de la santé, Sylvie Boulet, consultante en promotion de la santé, Connie Clement, directrice générale, et Eliane Nguyen, spécialiste des communications et des politiques


[1] Pour plus d'information sur le Centre ontarien d'information en prévention, sa mission ainsi que ses programmes et services, consulter le site Web www.opc.on.ca

[2] Pour connaître la signification de l'expression « Agir en amont », consultez le document intitulé La prévention, une cause importante : http://www.opc.on.ca/francais/a_propos/full/rapports.htm

[3] Pour obtenir le rapport intégral de la conférence, consulter le document  http://www.opc.on.ca/francais/a_propos/agir_en_amont/full/index.htm

[4] Parmi les principaux conférenciers présents, mentionnons Suzanne Jackson, directrice du Centre for Health Promotion de l'Université de Toronto; Charles Pascal, directeur général de l’Atkinson Charitable Foundation de Toronto; Jim Watson, ministre de la Promotion de la santé de l’Ontario; Ronald Colman, fondateur et directeur général de GPI Atlantic, en Nouvelle-Écosse; Malcolm Shookner, directeur du projet de développement communautaire de l'organisme Voluntary Planning, en Nouvelle-Écosse; Doris Grinspun, directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers autorisés de l'Ontario, et Sandra Laclé, directrice par intérim du Service de santé publique de Sudbury et du district.

[5] Charles Pascal est directeur général de l’Atkinson Charitable Foundation de Toronto. Roy Romanow devait à l'origine prononcer le discours liminaire, mais il a dû annuler à la dernière minute.

[6] La prévention, une cause importante est disponible sur le site Web du COIP : http://www.opc.on.ca/francais/a_propos/full/rapports.htm

[7] Pour consulter le résumé des dialogues concurrents, voir http://www.opc.on.ca/francais/a_propos/agir_en_amont/full/index.htm

[8] Pour le texte intégral de ces articles, consulter : http://leblocnotes.ca/fr/node/9 pour la version française et http://www.ohpe.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=7662&Itemid=78 pour la version anglaise. Pour vous abonner au Bloc-Notes, envoyez un courriel avec vos coordonnées à info@opc.on.ca . Pour vous abonner à l'OHPE, envoyez un courriel à newsletter-request@lists.ohpe.ca

Voulez réagir à ce texte? Cliquez ici!

Références

Boulet, S. « Réflexions sur de la charte de la promotion de la santé de Bangkok », Bloc Notes,  no 14 (14 octobre 2005).

Boulet, S. « Reflections on the Bangkok charter of health promotion » OHPE, n. 476 (11 août 2006). URL: http://www.ohpe.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=7662&Itemid=78


Copyright © 1999-2007 Reviews of Health Promotion and Education Online