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L'utilisation de formules pédagogiques alternatives dans le cadre du symposium sur la Charte d'Ottawa des journées annuelles de santé publique du Québec (JASP) 2006: de lintention à la réalisation. Sophie Dupéré, candidate au doctorat en santé communautaire, Université Laval, Québec et Évelyne Pedneault, étudiante en droit, Université Laval, Québec ; ancienne permanente, Collectif pour un Québec sans pauvreté, Québec.[i] Dupéré, Sophie & Évelyne Pedneault, L'utilisation de formules pédagogiques alternatives dans le cadre du symposium sur la Charte d'Ottawa des journées annuelles de santé publique du Québec (JASP) 2006: de lintention à la réalisation, Reviews of Health Promotion and Education Online, 2007. URL:31/index.htm. Le symposium sur la Charte dOttawa, qui a eu lieu le 25 octobre 2006 dans le cadre des 10es Journées annuelles de santé publique du Québec (JASP, 2006), a été brièvement décrit dans un texte de la présente série de RHP&EO par ONeill et coll. (2006) et les principaux éléments de contenu ayant émergé de la journée, dans un autre écrit de cette même série (Perreault et Forster, 2007). Le présent article a pour objectif de présenter une description et une brève analyse du cadre pédagogique mis en place pour la réalisation du programme de ce symposium. Dans la première partie de cet article, nous présentons le contexte dans lequel sinsérait le symposium. Nous détaillons ensuite, dans une deuxième partie, les moyens et les processus mis en place afin de faciliter la participation des participantEs. Enfin, nous discutons brièvement des principales leçons que nous avons tirées de cette expérience.
Le contexte du Symposium sur la charte dOttawa Le 10e anniversaire : une mouture spéciale pour les JASP 2006 Le comité organisateur des JASP souhaitant souligner de manière particulière le 10e anniversaire de ces journées en 2006, un symposium dune journée de réflexion autour de la Charte dOttawa a été organisé. Celui-ci devait servir de point pivot, en plein milieu de la semaine (mercredi le 25 octobre), pour lensemble des participantEs, alors que dautres symposiums visant des clientèles plus spécifiques se déroulaient les lundi-mardi (23 et 24 octobre) et jeudi-vendredi (26 et 27 octobre). Pour ce faire, certaines consignes de la part des organisateurs des JASP ont été communiquées aux responsables du symposium sur la charte dOttawa et au comité scientifique ayant travaillé à sa mise en place. Ce comité, composé donze personnes[ii], regroupait des gens provenant de différents horizons, tant sur le plan du lieu de travail que du type dexpériences. Les quatre principales consignes étaient:
Lors de la première rencontre du comité scientifique, en utilisant des techniques danimation particulières afin de se mettre dès le départ dans le genre desprit que les responsables du symposium souhaitaient créer, nous avons demandé à chacunE des participantEs quel était le rêve quil/elle entretenait pour cette journée que nous avions à organiser. Voici quelques-unes des réponses alors offertes : « trouver des façons de mettre en valeur ce quon fait localement », « nous mettre en relation avec le reste du monde », « créer des dialogues avec des personnes dhorizons différents », « , faire que les personnes sortent de cette journée et se sentent inspirées », « discuter du comment, de comment on peut concrètement intégrer la promotion de la santé aux pratiques », etc. La très grande majorité des idées véhiculaient limportance dune participation active, dune prise de position déchange et non seulement découte. Nous devions donc prendre les moyens appropriés pour y arriver. Ainsi, en sus des consignes générales reçues des organisateurs, le comité de notre symposium sest alors doté, dès le début de sa démarche, de balises pour le guider dans la planification de la journée:
1. avoir une programmation ancrée dans la pratique; 2. tendre vers une journée interactive qui favorise les échanges et la participation plutôt que du transfert de connaissances, ce qui supposait de prévoir des temps dinteraction significatifs avec les participantEs et des formules pédagogiques allant dans ce sens; 3. partager connaissances et pratiques, mais aussi en apprendre de nouvelles; 4. avoir une programmation scientifique rigoureuse; 5. inclure des formats pédagogiques habituels/classiques et moins habituels/alternatifs; 6. rassembler, susciter/ stimuler linnovation et la créativité par la réflexion critique.
1. tendre vers la parité hommes-femmes; 2. favoriser les échanges intergénérationnels, entre jeunes voix et voix plus expérimentées, notamment en invitant des conférenciers de différentes « générations » ; 3. tendre vers une représentation de divers milieux de pratique (communautaire, institutionnel, politique, recherche) et niveaux dinstances (locales, régionales, nationales, internationales). Le travail de planification du contenu de cette journée sest étalé sur environ un an et a été effectué en constante interaction avec le grand comité scientifique des JASP, lui-même composé dune diversité de personnes provenant de divers types de milieux, et avec la permanence des JASP. Notre comité scientifique a également bénéficié des suggestions et commentaires des responsables des 13 autres symposiums que comprenait cette 10e édition des JASP, qui ont été consultés afin dassurer un arrimage maximal de notre journée avec les autres activités scientifiques de la semaine. Finalement, les contenus des différents blocs dactivités du symposium ont été élaborés en interaction avec les conférenciers et responsables des ateliers. Parallèlement à tout ce travail de définition du contenu de la programmation scientifique, sest déroulée la réflexion sur le « comment», sur les différentes formules pédagogiques à proposer pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. Ce que signifiait pour nous le défi de ce symposium Les orientations énoncées plus haut étaient en phase avec nos croyances et expériences professionnelles et personnelles. Pourquoi croyait-on que les participantEs sortiraient gagnantEs dun colloque différent? Pourquoi faire de cette journée un moment déchanges et de croisements plutôt que de retenir les formules plus traditionnelles de transfert des connaissances? Dabord, même si elles demeurent encore peu utilisées comme stratégies dintervention en santé publique, nous avons pu expérimenter depuis plusieurs années la réelle efficacité de formules pédagogiques développées avec une approche déducation populaire dans divers contextes déchanges et dapprentissages. Le Québec est en effet le terrain, depuis plusieurs décennies, de pratiques dans ce domaine aussi intéressantes quinspirantes qui ont obtenu des résultats pour le moins concluants: voir par exemple le Mouvement déducation populaire et daction communautaire du Québec (MÉPACQ) au www.mepacq.qc.ca/ , le Regroupement en éducation populaire et action communautaire au www.repac.org/ ou encore le Projet AVEC au Collectif pour un Québec sans pauvreté au www.pauvrete.qc.ca. Il est par ailleurs reconnu quune personne apprend davantage lorsquelle est impliquée activement dans ses apprentissages (Organisation Mondiale de la santé, 1990; Freire, 2001; Groupe de recherche Quart Monde-Université, 1999), ce quArnold et al., traduisaient en 1991 par la formule suivante : nous ne retenons généralement quenviron 20 % de ce que nous entendons, 30 % de ce que nous voyons, 50 % de ce que nous entendons et voyons, 70 % de ce que nous entendons, voyons et discutons et 90 % de ce que nous entendons, voyons, discutons, et expérimentons ! Ensuite, lintroduction de telles méthodes respectait et honorait le caractère sans frontière des connaissances qui était justement le thème retenu des JASP 2006. Léducation populaire vise, entre autres, à développer la conscience critique citoyenne; elle comprend des pratiques qui visent lémancipation de même que la transformation sociale et politique[iii]. Le cadre envisagé, si efficace soit-il, nétait pas « innocent » ni dénudé de volonté politique (Freire, 2001). Utiliser des méthodes déducation populaire dans le cadre dune conférence est en soi affirmer que chaque participantE a un savoir utile et nécessaire à lévolution des connaissances et des pratiques dans notre domaine. Notre comité scientifique aurait pu choisir de préparer un symposium constitué principalement de conférences plénières et de formules pédagogiques axées sur des modes de transfert de connaissances plus classiques menés par des expertEs actifVEs auprès de récipientEs ditEs moins expertEs et passifVEs. Les choix faits par le comité sous-tendent au contraire que les améliorations que nous recherchons dans notre domaine passent par la participation active de chacunE. Pour ce faire, il faut se doter de moyens qui permettent lexpression de tous et toutes, qui favorisent la communication des observations et enseignements que chacunE peut tirer de sa pratique quotidienne quel que soit son milieu (institutionnel, communautaire, universitaire etc.). Finalement, lessence même de la Charte dOttawa nous invitait à favoriser des méthodes participatives. Ne peut-on pas y lire dès les premières lignes que « la promotion de la santé a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de laméliorer. Pour parvenir à un état de complet bien-être physique, mental et social, lindividu, ou le groupe, doit pouvoir identifier et réaliser ses ambitions, satisfaire ses besoins et évoluer avec son milieu ou sy adapter » (Organisation mondiale de la santé, 1986, p. 1). Difficile eu égard à ces lignes dorganiser une journée sur cette Charte sans démontrer de réelle volonté dentendre les personnes qui y viennent, sans leur offrir une occasion didentifier, individuellement et collectivement, où ils en sont dans leurs pratiques dintervention. La manière dorganiser ce symposium reflétait donc selon nous un choix vers lamélioration concrète des pratiques de même quun choix « politique » de valorisation et de croisements actifs de divers types de savoirs. Il fallait nous assurer que les moyens mis en place durant la conférence allaient permettre datteindre les objectifs fixés à tous les niveaux, à la fois par le comité organisateur, le grand comité scientifique des JASP et le comité scientifique de notre symposium. Stratégie générale et moyens mis en oeuvre Stratégie générale de cueillette dinformation Attendu le cadre évoqué plus haut, le comité scientifique du symposium a souhaité avoir un moment rassembleur afin dy réunir touTEs les participantEs en fin de journée pour tenter de répondre de manière interactive aux grandes questions soulevées. La programmation a donc été élaborée de manière à ce que chaque bloc dactivités (voir tableau 1, colonne 1) soit lié au suivant de façon à converger vers le « clou » de la journée : lactivité « Droit de parole » animée par Robert Perreault avec la participation de la troupe de théâtre Mise au jeu. Il restait à réfléchir à une stratégie pour recueillir systématiquement la parole des participantEs durant les autres activités de la journée (la plénière douverture, les cinq sous plénières, les vingt ateliers) et trouver une façon de la colliger pour la retransmettre. Différents mécanismes ont donc été retenus et nous avons créé une stratégie de synthèse, alimentée par des « rapporteurs dateliers » et des « journalistes ». Une trentaine détudiantEs, provenant principalement des programmes gradués en santé communautaire des Universités de Montréal, Laval et Toronto, ont assumé ces rôles bénévolement avec, en échange, loccasion délargir leurs connaissances et leurs réseaux. La figure 1 résume graphiquement la stratégie de cueillette et dintégration de la parole des participantEs durant la journée. Figure 1 : Le cadre général de la journée Les moyens mis en oeuvre En partant de cette architecture générale de cueillette et dintégration, nous avons ensuite défini, pour chaque segment de la journée, une série dactivités pour lesquelles des formules pédagogiques précises ont été proposées afin de maximiser lexpression des participantEs. Le tableau 1 les résume. Tableau 1 : Les formules pédagogiques retenues
Voici comment ces activités permettaient de poursuivre certains des objectifs pédagogiques de la journée que sétait fixé notre comité scientifique: a) Objectif de favoriser une participation active des personnes : Nous avons tenté dinclure un espace pour lexpression des personnes partout à travers la programmation de la journée. Nous avons en particulier misé sur une série dateliers en après midi qui permettrait aux participantEs de se retrouver en plus petits groupes et déchanger activement. Même dans les formules pédagogiques du matin qui laissaient peu ou pas de place aux participantEs (la conférence plénière et les cinq sous plénières), nous avons introduit le carton de vote qui leur permettait un minimum dexpression et nous avons incité les conférencierÈREs à solliciter lopinion des personnes par ce moyen. Nous avons également mis en place deux mécanismes qui, pendant les pauses du matin et du midi, permettaient de recueillir lopinion des personnes : les « journalistes » et la murale. b) Objectif de porter la parole des participants jusquà lactivité de fin de journée : Nous avions prévu des écrivainEs publics-ques dans chaque activité (plénière, sous plénière, atelier) qui ont rempli une fiche en lien avec ladite activité et qui ont effectué un rapport verbal à un grand rapporteur. Nous avions également des journalistes qui ont recueilli les propos dune cinquantaine de participantEs et qui ont effectué un rapport verbal à une grande rapporteuse. Nous avions finalement une murale où les personnes étaient invitées à sexprimer tout au long de la journée. Lanimateur de lactivité « Droit de parole », Robert Perreault, a ainsi pu préparer le contenu de son animation (des questions et des thèmes à aborder) sur place, la journée même, en collaboration avec ces grands rapporteurs qui lont alimenté des propos des participantEs. La troupe de théâtre a fait de même pour la préparation finale de ses scénarios. c) Objectif de sortir des cadres dapprentissages habituels et de favoriser la reconnaissance du caractère sans frontières des connaissances : Nous avons conçu le petit déjeuner des auteurEs pour permettre des apprentissages dans un autre type cadre. Il sagissait en fait de démontrer la possibilité de tenir une activité scientifique rigoureuse dans un cadre convivial (déjeuner-causerie) à travers le croisement des savoirs des participantEs, incluant unE auteurE, sur un sujet donné. Un autre exemple dactivité entreprise pour atteindre lobjectif de favoriser la reconnaissance de divers types de savoirs concerne les efforts soutenus que nous avons déployés pour favoriser la présence du milieu communautaire. En plus davoir fortement encouragé la présence daffiches provenant de groupes communautaires auprès des organisateurs des JASP, davoir travaillé sur un appel de communications affichées adapté et davoir diffusé activement cet appel dans les canaux de communication des groupes communautaires, nous avons invité le Collectif pour un Québec sans pauvreté à présenter, son exposition « Objet : Pauvreté ». Lidée de cette exposition est simple. Elle réunit des centaines dobjets que des gens ont apportés suite à lappel suivant du Collectif : Quel objet signifie pour vous ce que ça veut dire vivre la pauvreté et expliquez pourquoi vous lavez choisi? Sous un mode différent du mode scientifique, elle est très révélatrice des liens qui existent entre pauvreté et santé, enseignement tout à fait en phase avec la Charte dOttawa et ses «prérequis pour la santé». Comment mieux illustrer que par cet exemple la multitude de possibilités qui soffre à nous lorsque nous nous permettons dexplorer dautres modes dapprentissages ? Que dire également de la contribution du théâtre à la réflexion de la journée à travers le travail de la Troupe Mise au jeu invitée? En lien avec lidéal de savoir sans frontière, nous avons fait le pari de faire réfléchir autrement, à travers lhumour des membres de la troupe. Cétait une autre manière de dynamiser la journée et de stimuler le côté droit du cerveau des participantEs, favorisant en particulier celles et ceux qui apprennent davantage par dautres types de mécanismes. Conclusions : quavons-nous appris à travers ce processus ? En tant que principales responsables de lélaboration et de la mise en uvre de la stratégie pédagogique du symposium, nous souhaitons dabord souligner combien cette expérience fut positive et enrichissante sur les plans personnel et professionnel. Ce fut indéniablement une occasion dapprentissage pour nous, tant du point de vue de lorganisation dévénements de grande envergure que de celui du thème de la journée. Nous en retirons aussi une meilleure compréhension de lunivers québécois de la santé publique, de ses acteurs et de leurs cultures. Nous avons uvré au sein dun comité scientifique formidable et avons bénéficié de lapport des équipes scientifiques et organisationnelles des JASP qui nous ont soutenues de façon continue dans les démarches. Une superbe équipe de bénévoles dynamiques et généreux de leur temps sest également jointe à nous pour la mise en uvre des activités. Les leçons que nous pouvons, et pourrons encore, tirer de cette expérience sont multiples. Chacune des formules pédagogiques décrites précédemment pourrait, par exemple, être analysée plus à fond afin den dégager des pistes de recommandations. En guise de conclusion, nous avons tenté didentifier lapprentissage qui nous a semblé le plus important à communiquer à dautres groupes qui souhaiteraient organiser un événement en santé publique en sinspirant de processus déducation populaire. Après mûres réflexions et un peu de recul, la leçon qui nous semble la plus importante à partager est quil faut apprendre à justifier de façon rigoureuse ce type dapproche, face aux divers types dacteurs uvrant en santé publique et à leurs partenaires afin den venir à une plus grande acceptation et utilisation de ces méthodes. Lors de la préparation de ce symposium, nous avons été au cur de la rencontre de diverses cultures universitaires, institutionnelles et communautaires. Nous avons dû ainsi apprendre à naviguer à travers les rapports de force qui façonnent ces diversités culturelles et à composer avec létonnante palette dintérêts des acteurs impliqués de près ou de loin dans notre journée. Notre comité scientifique navait pas « carte blanche » et ne pouvait piloter comme bon lui semblait lorganisation de la journée car elle sinsérait dans un événement plus vaste avec des traditions et des façons de faire qui avaient fait leurs preuves dans le passé. Cette situation a certainement eu plusieurs avantages, en nous amenant par exemple à organiser une journée qui sest avérée appropriée pour lensemble des types de personnes uvrant en santé publique, en maintenant un heureux équilibre entre le connu et linconnu, le classique et lalternatif. Travailler dans ce contexte a cependant posé certains obstacles et demandé beaucoup plus de temps et dénergie que prévu, compte tenu du fait, notamment, que la légitimité des stratégies déducation populaire reste encore largement à être établie en santé publique. Mentionnons demblée que la très grande majorité des idées que nous avions pensées a pu être concrétisée. Certaines des activités proposées et mises en uvre nont toutefois pas été unanimement perçues comme étant crédibles sur le plan pédagogique ou scientifique. Cette circonspection a pu nuire à leur pleine et entière réalisation, bien quil soit évident que dautres facteurs aient pu entrer en ligne de compte (tels que la grande abondance dactivités dans cette journée ou le manque dintérêt des participantEs face aux thèmes ou activités choisis). De plus, même si les aspects logistiques revêtent une importance centrale et doivent être pris en compte lors de la planification dune conférence de lampleur des JASP, nous nous sommes parfois demandées si ces questions ne conditionnaient pas trop la mise en uvre de certaines de nos approches pédagogiques. Ce fut par exemple le cas lorsque nous avons dû imposer à la dernière minute des changements à des responsables dateliers. Or, ces changements entravaient la participation active des participants, aspect qui avait pourtant été reconnu comme lun des fondements pédagogiques de cette journée. Au cours de notre expérience, nous avons réalisé que malgré certains discours en santé publique sur la légitimité de savoirs autres que ceux produits dans une logique positiviste, la réalité est que des préjugés persistent envers ce type de méthodes et savoirs, même si lon accepte, comme lors de ce symposium, de leur faire une large place. Ce manque de reconnaissance a été souligné à dautres occasions par bien des personnes de santé publique issues des milieux universitaires et institutionnels (voir notamment : Groupe de recherche Quart Monde-Université, 1999 ; Gendron, 2001; Minkler et Wallerstein, 2003). Peut-être est-ce relié à un manque de familiarité? À un manque de diffusion des résultats obtenus par ces méthodes? À un manque doutils convaincants pour démontrer la pertinence et lefficacité de ces méthodes? Peut-être est-ce relié au fait que nous sommes réticents à sortir de nos cadres de référence? Ou que lon doute de pouvoir combiner rigueur scientifique, créativité et innovation? Ou encore peut-être est-ce dû au fait que nous navons pas réellement appris à nous connaître et que les frontières disciplinaires et sectorielles en santé publique demeurent encore plus étanches que ce que nous voulons bien admettre? Si ces questions méritent indéniablement réflexion, elles ne sauraient cependant nous dispenser dun travail quelque peu introspectif : avons-nous su bien argumenter la valeur et la pertinence des approches suggérées? Avons-nous suffisamment fait preuve douverture et de flexibilité desprit pour discuter et débattre de ces questions ou sommes-nous ancrées dans notre perspective? Avons-nous mis en place les bons moyens pour atteindre nos objectifs? Avons-nous choisi des formules et des activités appropriées et intéressantes? Connaissions-nous suffisamment les divers acteurs de santé publique afin de bien saisir leurs cadres de pensées, leurs intérêts et leurs besoins? Y songer nous permettra certainement daméliorer la qualité de notre travail dans le futur et contribuera, nous espérons, à positionner lutilité de léducation populaire dans lunivers de la santé publique. À lavenir, la légitime expression du savoir saura peut-être marier les diverses traditions de pensée, dussent les premiers pas menant à cet idéal prendre la forme dune union de raison. Nous espérons que notre expérience et les quelques leçons que nous avons tirées de cette aventure pourront constituer une source dinspiration et ainsi contribuer à construire lavenir de ce déploiement de « savoirs sans frontière ». Sil est une chose que nous retiendrons, cest que ces frontières existent dabord et avant tout dans chacune de nos têtes où, trop souvent, le savoir est encadré par une vision unique et univoque. À nous den sortir et de profiter alors de toute la richesse qui peut ainsi soffrir à nous.
[i] Les noms des auteures apparaissent ici en ordre alphabétique ; comme leur contribution est égale, elles se considèrent par conséquent co-auteures principales de cet article. [ii] Myrtha Cionti Bas, agente de recherché sociosanitaire, Institut national de santé publique du Québec, Canada * Sandro Di Cori, responsable de la promotion de la santé, Fondation Lucie et André Chagnon, Québec, Canada * Ginette Lafontaine, adjointe à la planification, lévaluation et la recherche, Direction de la santé publique, Agence de la santé et des services sociaux de la Montérégie, Québec, Canada * Réal Morin, directeur scientifique, Institut national de santé publique du Québec, Canada * Evelyne Pedneault, étudiante en droit, Université Laval, ancienne permanente, Collectif pour un Québec sans pauvreté, Canada * Louise Potvin, professeure titulaire, chaire Approches communautaires et inégalités de santé, Université de Montréal, Québec, Canada * Louise St-Pierre, responsable par intérim, Centre sur les politiques publiques, Institut national de santé publique du Québec, Canada * Monik St-Pierre, agente de planification, de programmation et de recherche sociosanitaire, Direction générale de santé publique de la Capitale-Nationale, Québec, Canada * Rachel Stringer-Engler, chercheure postdoctorale Université de Montréal, Québec, Canada. Co-responsables : Michel ONeill, professeur titulaire, Université Laval, Québec, Canada et Sophie Dupéré, candidate au doctorat, Université Laval, Québec, Canada. [iii] Nous reconnaissons que lexpression « éducation populaire » recouvre des pratiques multiples et hétérogènes, mais les débats entourant la définition de la notion est hors de la portée de cet article. Nous référons quant à nous à la définition, empruntée au Regroupement en éducation populaire et action communautaire (www.repac.org), que nous avons reprise pour lensemble de nos travaux et dont nous avons résumé quelques éléments dans le présent article.
Références Groupe de recherche Quart Monde-Université. (1999). Le croisement des savoirs. Quand le Quart Monde et l'université pensent ensemble. Paris: Éditions Quart Monde & Éditions de L'Atelier. URL: http://www.editionsquartmonde.org/live/detail_produit.php?parm_produit=293&parm_cat=98-NOUV&mots=Le+croisement+des+savoirs Arnold, R. et al. (1991). Educating for a Change. Toronto: Between the Lines and Doris Marshall Institute. URL: http://www.btlbooks.com/Search/education.htm#8 Freire, P. (2001). Pédagogie des opprimés suivi de Conscientisation et révolution. Paris : La découverte. Gendron, S. (2001). La pratique en santé publique: l'émergence d'un paradigme. Thèse de Ph.D en santé publique, Université de Montréal, Montréal. JASP. (2006). Programme du symposium La Charte dOttawa est-elle encore utile aux pratiques de santé publique daujourdhui ? PDF: http://www.inspq.qc.ca/jasp/programme/2006/Mercredi/CharteOttawa.pdf Minkler, M., & Wallerstein, N. (2003). Community-Based Participatory Research for Health. San Francisco: JosseyBass. URL: http://www.josseybass.com/WileyCDA/WileyTitle/productCd-0787964573,descCd-tableOfContents.html ONeill, M., Dupéré, S., Pedneault, É., Perreault, K., Forster, M., Roberge, N., et al. (2006). Le «message de Montréal» : la Charte dOttawa pour la promotion de la santé est encore utile pour la pratique de la santé publique daujourdhui! Reviews of Health Promotion and Education Online. URL: reviews/2006/6/index.htm. Organisation mondiale de la santé. (1986). Charte dOttawa pour la promotion de la santé. Genève: Organisation mondiale de la santé. URL: http//www.euro.who.int/AboutWHO/Policy/20010827_2?language=French Organisation mondiale de la santé. (1990). Léducation pour la santé : manuel déducation pour la santé dans loptique des soins de santé primaire. Genève: Organisation mondiale de la santé. Perreault, K., & Forster, M. (2007). La Charte dOttawa : sommes-nous encore loin de la réalité postulée? Reviews of Health Promotion and Education Online, 5/index.htm. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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